C’est fou ce que j’en ai appris des choses depuis un an et demi sur la santé mentale.
Pour ceux qui sont tannés de me lire, rassurez-vous, ce qui suit pourrait grandement vous intéresser. On ne sait jamais quand ça pourrait arriver.
Ça pourrait vous arriver. Les troubles de santé mentale ne font aucune distinction entre le sexe, le niveau socio-économique, la race, l’âge…
Voici les deux principales leçons que j’ai tirées de mon expérience personnelle.
Leçon numéro 1
C’est vous le patient, la personne malade. C’est vous qui savez ce qui se passe dans votre tête, dans votre corps. Ne sous-estimez pas l’importance de votre opinion dans le choix d’un traitement, dans le chemin vers la guérison. Et n’hésitez pas à vous faire entendre, même s’il faut répéter, répéter et répéter encore. Je sais de quoi je parle, je suis exactement passé par là.
Leçon numéro 2
Le médecin ou le psychiatre n’est pas infaillible. Il se trompe et plus souvent qu’on le pense. C’est le cas plus particulièrement des spécialistes.
Laissez moi vous raconter deux anecdotes avec des spécialistes.
Il y a quelques années, je me suis fait frapper par une voiture pendant mon jogging. Résultat : deux dents cassées, un coude fracturé et une commotion cérébrale. Direction l’hôpital en ambulance.
Comme j’étais un accidenté de la route, j’étais pris en charge par la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ). C’est la SAAQ notamment qui a payé pour mes nouvelles dents. Ça coûtait un bras et presque une jambe. Et mes nouvelles dents ne sont pas aussi blanches que celles d’Éric Salvail !
En plus, j’avais droit à une indemnité de la SAAQ. Je devais d’abord être évalué par un othopédiste. En gros, ma fracture au coude allait laisser des traces toute ma vie. Rien de majeur. Il m’arrive d’avoir mal au coude même 15 ans plus tard.
J’ai donc été évalué par un orthopédiste, qui avait une grille d’évaluation à remplir pour déterminer le montant de mon indemnisation. Je suis entré dans son bureau et c’est comme si je n’existais pas. Pas de bonjour ni rien. La seule chose qui l’intéressait, c’était mon coude.
Je suis reparti sans un mot de sa part. Lui venait de recevoir un coude dans son bureau.
Plusieurs semaines plus tard, j’ai reçu un chèque de 1000$ de la SAAQ.
Une deuxième anecdote concerne un autre genre de spécialiste : un urologue.
Passé 50 ans, c’est le rendez-vous qu’on redoute un peu. Mon médecin m’a prescrit un examen par un urologue pour vérifier la bonne santé de ma prostate. Yé !!!
J’entre dans son bureau. Encore là, pas de bonjour ni rien. Il me demande de m’installer sur la table d’examen, de baisser mes pantalons et mes sous-vêtements.
Sans prévenir, il fait ce qu’il a à faire… Pour me changer les idées, je pensais alors à toutes les blagues sur les urologues ! Ma préféré ? Tu ne veux pas avoir un urologue guitariste qui joue du finger picking. Pour jouer du finger picking, il faut que tes ongles soient plus longs que d’habitude !!
Il a fini par me dire que c’était terminé, que je pouvais me rhabiller et il est retourné s’asseoir à son bureau.
Je me lève et j’attends qu’il me dise quelque chose. Il lève les yeux et me dit que c’est terminé. Je sors. L’urologue venait de recevoir une prostate dans son cabinet.
Récemment, une amie qui travaille dans le domaine médical m’a dit que c’était le gros problème avec les spécialistes : ils n’en ont que pour l’objet de leur spécialité et n’écoutent pas vraiment leurs patients.
C’est souvent comme ça malheureusement avec les spécialistes, on ne se sent pas écouté ni entendu. Il faut répéter et répéter et persévérer.
Je me suis rappelé mes années où je travaillais comme préposé aux bénéficiaires à l’Hôpital Charles-LeMoyne. J’en ai vu des médecins, j’en ai vu des spécialistes. Je les ai côtoyés au quotidien.
Les plus cool ? Les urgentologues. Il m’est arrivé plusieurs fois d’être affecté aux urgences, à l’équipe « de choc ». Une équipe constituée d’un médecin, d’une infirmière et d’un préposé.
Une parenthèse plus longue que d’habitude
Permettez-moi ici de faire une parenthèse… Un peu longue, j’avoue, mais ça se lit bien, je crois.
Le boulot de l’équipe de choc ? Accueillir les patients qui, souvent, arrivaient en ambulance. Une bonne partie des cas qui arrivaient dans notre local, c’était les accidentés de la route. Nous étions aussi l’équipe « de choc » pour tout l’hôpital. Quand un patient faisait un arrêt cardiaque, une alarme sonnait dans notre local et nous partions à la course vers le 2e étage, le 4e ou le 6e…
Tout était réglé au quart de tour. Chacun savait ce qu’il avait à faire. Quand un accidenté de la route arrivait dans un grave état, ma première job, c’était de découper les vêtements du patient, souvent remplis de sang. Pendant ce temps, le médecin faisait un examen rapide et l’infirmière installait un soluté.
Plus souvent qu’autrement, le patient était en arrêt cardiaque. L’opération qui précédait durait tout au plus 2 minutes. Ma deuxième tâche, c’était de passer au massage cardiaque. Le médecin supervisait la procédure, pendant que l’infirmière, elle, suivait les signes vitaux.
Malheureuseument, notre taux de succès n’était pas si élevé. Je me souviens d’un jeune homme qui s’était planté en moto… sans casque protecteur. J’étais en train de pratiquer un massage cardiaque alors que le médecin m’a dit d’arrêter. Il venait de voir un trou gros comme une balle de golf derrière le crâne du patient. Après que le médecin ait informé la famille, c’est moi qui suis allé porter les vêtements du patient, découpés, dans un sac à poubelle noir.
Je me souviens aussi d’un jeune garçon d’environ 10 ans qui s’était fait frapper par un train en traversant une voie ferrée à vélo. Mes jambes tremblaient pendant que je faisais mon massage cardiaque. On ne l’a pas sauvé. Encore là, après que le médecin ait avisé la famille, ma job, c’était d’aller donner les vêtements de l’enfant à sa famille, toujours dans un sac à poubelle…
Ça créé des liens tout ça. J’étais un préposé, l’infirmière, une infirmière et le médecin, un médecin. Mais en équipe, nous étions plus que la somme de ces trois métiers. Le médecin n’était pas en train de traiter un coude ou une prostate. Il tentait de sauver la vie d’un être humain. Comme l’infirmière et moi.
Pendant 8 ans, j’ai travaillé dans tous les départements de l’hôpital : urgences, soins intensifs, salles d’opération, cardiologie, neurologie, orthopédie, psychiatrie…
En gros, les spécialistes se ressemblaient tous un peu. Ils ont été formés pour être des experts du coeur, du système neurologique, du système squelettique, de notre cerveau.
La première et souvent la seule chose qui les intéressait, c’est le coeur, le système neurologique, le système squelettique ou le cerveau.
Je ne dis pas qu’ils étaient tous comme ça, mais c’était la tendance générale.
Je me rappelle d’un chirurgien orthopédiste, considéré comme le meilleur de sa profession. Son surnom ? Les doigts de fée. Combien de fois je l’ai vu entrer dans la chambre d’un patient marmonner quelques mots. Le patient allait être opéré dans quelques jours. Puis, il ressortait sans laisser la chance à l’être humain qu’il avait devant lui de lui poser des questions ou d’exprimer ses inquiétudes.
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Pourquoi raconter tout ça ? Parce que c’est aussi le cas de bien des psychiatres. Oh pas tous ! Mais ils sont encore très nombreux.
Ils reçoivent un patient qui leur raconte ce qui est en train de leur arriver. Rapidement, le psychiatre fait son diagnostic dans sa tête. Le problème, c’est qu’ensuite, le psychiatre restera collé à son diagnostic, peu importe la suite des choses.
Le diagnostic, c’est la chose la plus importante. C’est ce qui permet de déterminer le traitement à suivre.
Sauf que la psychiatrie, c’est beaucoup complexe que l’orthopédie, par exemple.
Un orthpédiste dispose notamment de radiographies pour établir son diagnostic. Ensuite, il répare ou il ne répare pas ce qu’il y a à réparer.
Le psychiatre, lui, travaille avec l’organe le plus complexe qu’on retrouve sur Terre : le cerveau humain. C’est complexe un cerveau et on n’a pas encore tout compris comment ça fonctionne dans notre tête.
Je lisais récemment une lettre ouverte dans La Presse dans laquelle on reprochait, notamment aux psychiatres, de ne pas vraiment écouter leurs patients. Et surtout, de les traiter avec une approche presque exclusivement biomédicale.
Mais c’est pire que ça. L’approche biomédicale majoritaire, surtout dans les cas de dépressions et de troubles anxieux, c’est que notre cerveau ne produit plus assez de sérotonine.
Une théorie (oui, oui, c’est encore une théorie) popularisée au début des années 80. Une théorie qui a conduit au développement d’une floppée de nouveaux antidépresseurs. Principalement, des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.
L’industrie pharmaceutique a bien sûr fait des milliards de dollars avec toutes ces nouvelles molécules mises sur le marché. Je ne suis pas en train de crier au complot. Cette théorie n’est pas dénuée de fondements. Mais elle commence à avoir du plomb dans l’aile.
Elle est de plus en plus contestée par des spécialistes du monde entier.
J’ai lu récemment un étude qui portait sur l’efficacité des antidépresseurs. En gros, les études qui étaient soumises à la Food and Drug Administration américaine (FDA) pour faire approuver un médicament étaient très majoritairement positives. Les études négatives étaient écartées dans une proportion de 50 %. Pour celles qui étaient publiées, les conclusions étaient changées pour faire ressortir les rares effets positifs de la nouvelle molécule.
Les chercheurs de cette étude sur l’efficacité des antidépresseurs ont alors pris en compte TOUTES les études, positives comme négatives. Leurs conclusions ? Les antidépresseurs sont légèrement plus efficaces qu’un placebo, de seulement quelques points de pourcentage.
Et qu’est-ce que je lis ce matin dans La Presse sous la plume de Mathieu Perreault ? Un texte qui parle des effets du stress sur le cerveau et de la découverte d’une chercheure québécoise. Chercheure qui mentionne que les antidépresseurs ne sont pas efficaces dans une proportion de 30% à 50%.
Je pourrais vous parler du débalancement hormonal causé par un état de stress chronique ou aïgu. Ou encore dans le cas d’un état de stress pos-traumatique. C’est principalement l’objet des recherches de Sonia Lupien, grande spécialiste sur la question au Québec.
Je pourrais vous parler d’études qui démontrent que les causes d’une dépression sont complexes et qu’on ne peut grossièrement résumer ça à un manque de sérotonine dans notre cerveau.
Malheureusement, c’est encore la pensée dominante en psychiatrie. C’est ce que mon psychiatre me répète depuis plus d’un an : mon problème, c’est que mon cerveau ne produit pas assez de sérotonine. Il me prescrit donc une molécule qui va booster ma sérotonine. J’en ai essayé quatre en un an et demi. Aucune n’a fonctionné.
Pour affirmer cela, mon psychiatre s’appuie sur toutes les études publiées sur le sujet. Or, on sait maintenant les études publiées sont presque exclusivement celles avec un biais positif.
Depuis plus d’un an, je fais ce que mon amie m’a récemment conseillé de faire. : répéter, répéter et persévérer.
Je viens aussi d’apprendre que les psychiatres n’aiment pas revoir leur diagnostic. Pour y arriver, ça prend de la preuve et encore de la preuve.
Par exemple, dans le cas de femmes agressées sexuellement, les psychiatres prescrivent rapidement un traitement biomédical. Traitement qui, généralement, ne fonctionne pas. Ces femmes continuent de vivre une grande souffrance. Et ça prend du temps avant qu’un psychiatre envisage les choses d’un angle plus global. Le principal problème après une agression sexuelle, ce n’est pas le manque de sérotonine dans ton cerveau.
Dans ces cas, la dépression est souvent le symptôme et non pas la maladie. Mais tant qu’on traite seulement le symptôme, ben il arrive ce qui arrive. Rien.
Les choses finissent par débloquer, souvent après plusieurs mois ou même quelques années, quand on aborde l’épisode traumatique et qu’on établit un plan de traitement adapté aux circonstances pour ces femmes qui vivent une immense souffrance. On peut même prescrire un médicament, mais souvent ce n’est pas un antidépresseur, mais un bêta-bloquant.
Un traitement qui est utilisé depuis la fin des années 60 et qui a fait ses preuves. Mais soit les psychiatres ne le connaisse pas, soit ils l’ignorent, convaincus que le problème est un manque de sérotonine dans le cerveau, que certains experts considèrent comme la plus grande réussite marketing des 40 dernières années.
Moi, c’est ce que j’ai fait. J’ai lu des tonnes d’articles scientifiques. J’en ai parlé à mon psychiatre. Rien à faire.
C’est ça le conseil le plus important que j’ai à donner. Poser des questions. Informez-vous. Variez vos sources d’informations. Challengez votre psychiatre.
Parce que votre souffrance, il n’y a que vous qui la vivez jour après jour. Parce que la science évolue à vitesse grand V. Parce que vous n’avez pas un bras cassé et votre état est pas mal plus complexe qu’un problème de sérotonine dans votre cerveau. Ce n’est pas moi qui le dit, mais des scientifiques reconnus qui osent sortir des sentiers battus et remettre en question certaines théories qui n’ont jamais été challengées.
Vous êtes trop souffant pour faire quoi que ce soit, ou trop fatigué. Demandez à un ami ou un parent de vous accompagner à chaque rendez-vous chez votre psychitatre. Demandez lui de poser des questions et d’entretenir un doute raisonnable, ce qui est nécessaire à toute pensée critique.
Vous n’êtes pas qu’un cerveau qui manque de sérotonine. Vous êtes un organisme vivant infiniment complexe. Une sorte d’écosystème où tout est lié. Et vous êtes surtout un être humain.
p.s.: Après des mois à tenir mon bout, à répéter et à persévérer, à me faire dire non. À me faire répéter que mon problème était un manque de sérotonine dans mon cerveau. j’ai fini par avoir gain de cause. J’avais raison sur toute la ligne. Ça été long. Ça été tough. Ça été souffrant. Ne pas être écouté ni pris au sérieux pendant que tu continues de faire des tabarnak de crises d’angoisse chaque jour depuis un an et demi, ben c’est pas l’fun. Pire, tu commences à penser que tu vas devenir fou, que tu ne guériras jamais. Là pour la première fois en un an et demi, l’espoir est revenu. Je vais maintenant pouvoir me battre à armes égales avec mon état de stress post-traumatique. Et il va passer un mauvais quart d’heure !
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