Salut Mickaël. Nous sommes amis Facebook, mais on ne se connaît pas.
Comme ça arrive souvent aujourd’hui.
Nous avons cependant une amie commune. Marie-Ève Martel. Que je trouve formidable. J’imagine que c’est aussi la même chose pour toi.
Je voyais tes posts passer à l’occasion et tes réflexions sonnaient toujours des cloches chez moi.
Je n’a pas lu ton livre, mais ô combien je te trouvais courageux d’exposer tes failles, tes faiblesses, tes souffrances.
Peut-être parce que c’est ce que je fais moi aussi avec mon blogue.
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Je viens de lire ton plus récent billet sur ton blogue.
Ça m’a parlé, disons. Je me suis reconnu. Encore là, peut-être parce que j’ai écrit souvent la même chose, dans des mots différents.
Et puis, disons-le, j’ai trouvé que tu as exprimé les choses d’une façon si claire et lucide.
J’ai écrit des tonnes d’affaires qui avaient ben de l’allure, mais là, tu m’as torché. Solide.
Mais même si on parle plus de santé mentale, même s’il y a des journées où l’on cause pour la cause, j’ai parfois l’impression que nos failles sont encore et toujours l’ultime tabou. Parce que dénoncer le racisme, le sexisme, la pauvreté ou la grossophobie, ça peut nous revenir dans face, mais si on le fait en plus en dévoilant nos blessures, en se posant comme victime de cette violence, on joue, en plus, notre crédibilité. Parce qu’il faut être fort et forte devant l’adversité et savoir être résilient et résiliente. Parce qu’il faut dénoncer avec le sourire et énergie. Être traumatisé.e, c’est être faible et pleurer, ce ne serait pas être résilient.e.
Je pourrais y aller d’une grande envolée lyrique pour dire à quel point tu mets le doigt sur les choses avec une telle lucidité. Je vais me contenter d’écrire ceci : t’es hot, Mickaël Bergeron !
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Je suis malheureusement à nouveau en arrêt de travail depuis un peu plus d’une semaine. Les crises d’angoisse à répétition, chaque matin, chaque jour, m’ont conduit au bord de l’épuisement. Ma tête était épuisée et mon corps a commencé à être épuisé lui aussi.
Chaque jour, je me sentais de plus en plus lourd. Chaque jour, c’était de plus en plus difficile de trouver le courage et l’énergie de me rendre au travail. J’étais revenu au boulot en septembre après un arrêt d’un an. Ma tête disait non. Je ne voulais pas me retrouver à nouveau en arrêt de travail. Faire ça, ça voulait dire que j’étais faible, ça voulait dire un échec.
Heureusement, c’est mon corps qui l’a emporté.
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Tu as écrit ceci :
Parce qu’il faut être fort et forte devant l’adversité et savoir être résilient et résiliente. Parce qu’il faut dénoncer avec le sourire et énergie. Être traumatisé.e, c’est être faible et pleurer, ce ne serait pas être résilient.e.
Criss que t’as raison, encore une fois.
J’ai tellement braillé depuis trois ans que c’est clair que je suis l’être le plus faible sur Terre. Je suis une lavette, une vraie.
Tu auras compris que j’ironise.
Parce que c’est ce que je suis : un traumatisé. Il s’est passé tellement de choses dans ma vie que je pourrais écrire un livre ! Combien d’amis m’ont dit ça au fil des ans.
J’ai toujours refusé parce que j’ai toujours refusé d’être une victime. La belle affaire !
Tout a débloqué mardi dernier pour moi. Pourquoi mardi dernier ? Fouille-moi !
Encore là, c’est toi qui a la réponse, elle est dans ton billet !
Peut-être que les psys aussi peuvent être sur le pilote automatique.
Moi, ce n’était pas ma psychologue, mais mon psychiatre. Sur le pilote automatique. Solide.
Ça fait plusieurs mois que je lui dis que j’ai eu un choc post-traumatique. Parfois, il disait oui, parfois, il disait non. Une vraie girouette !
La seule constante dans son discours : je souffrais d’une dépression causée par un débalancement chimique dans mon cerveau. En gros, je manquais de sérotonine.
Je vais avoir plein de choses à dire là-dessus. Parce que j’ai lu plein des choses. Des études sérieuses qui sortent des sentiers battus. Cette théorie du débalancement chimique, du manque de sérotonine, commence sérieusement à avoir du plomb dans l’aile. Et comme par hasard, c’est aussi une théorie qui fait grandement l’affaire des compagnies pharmaceutiques, qui vendent les molécules pour « rebalancer » ton cerveau.
Mais revenons à nos moutons. J’ai donc essayé quatre antidépresseurs en plus d’un an. Aucun n’a fonctionné.
J’ai aussi essayé quatre anxiolytiques en plus d’un an. Même résultat. Même que le dernier a aggravé mes crises d’angoisse plutôt que de les soulager.
Que disait mon psychiatre ? On va finir par trouver la bonne molécule.
Je suis devenu en quelque sorte un rat de laboratoire. Du moins, c’est comme ça que je me sentais. On allait continuer d’essayer sur moi une molécule après l’autre, en se croisant les doigts chaque fois.
Le pilote automatique, comme tu dis.
Évidemment, je commençais à penser que j’étais incurable, que j’étais en train de devenir fou, que c’était de ma faute…
Je répétais à mon psychiatre que j’avais un choc post-traumatique, mais lui, continuait de me traiter pour un débalancement chimique de mon cerveau.
Tu te dis que c’est lui l’expert. Il a un doctorat. C’est un psychiatre. Toi, t’es un journaliste. Qu’est-ce que tu connais à la psychiatrie, à la chimie du cerveau ?
Malgré tout, je persistais. J’ai lu des tonnes d’articles sur le sujet. J’ai lu des études scientifiques. Des témoignages. Chaque fois, ça confirmait ce que je croyais et ce que je disais.
Je suis un peu tête de cochon ! Ce n’est pas toujours une qualité, mais je n’ai jamais été aussi heureux de toute ma vie d’être une tête de cochon !
Parce que j’avais raison. Au fond de moi, je savais que j’avais raison, mais quand un psychiatre te contredit, mettons que tu doutes, tête de cochon ou pas.
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C’est ma psychologue qui a dénoué l’impasse, lundi dernier. Elle a confirmé ce que je disais. Elle a employé des termes savants, les bons mots, pour décrire ce qui m’arrivait. Un état de stress post-traumatique complexe, appelé aussi trauma relationnel.
C’est ce que je disais depuis un an, mais j’utilisais mes mots à moi. Il aurait fallu que je fasse le diagnostic exact avec mon psychiatre en utilisant le jargon scientifique qu’il connaît.
Sur le pilote automatique, dis-tu…. J’ai eu l’impression d’être dans une clinique de psychiatrie libre-service.
Venez rencontrer un de nos psychiatres. Fournissez votre diagnostic détaillé et il vous prescrira la bonne pilule ! Ça ne prend que 5 minutes. Résultat garanti ou nous vous prescrivons une autre pilule !
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Revenons à mardi, jour du grand déblocage. Après ma séance avec ma psychologue, mon cerveau s’est mis à spinner solide. Les écrans de fumée disparaissaient, les morceaux du puzzle commençaient à se mettre en place. Ça allait vite en titi !
Mardi soir, j’ai pété une méga crise d’angoisse devant mon fils. L’une des plus violentes que j’ai eu. Le genre de crise où tu veux mourir drette là tellement ça fait mal.
Un moment donné, mon fils a dû sortir parce que les deux toutous réclamaient d’aller faire leurs petits besoins. J’étais dans mon lit. Je braillais. Je frappais ma poitrine, espérant que mon coup de poing fasse plus mal que l’autre douleur.
Puis, un flash dans ma tête. Mon cerveau spinnait depuis la veille. J’ai ramassé mon ordi et je me suis mis à écrire. Une des rares choses qui m’a aidé avec mes crises d’angoisse depuis un an et demi.
Tsé le livre dont j’ai parlé plus haut ? J’ai commencé à l’écrire. J’étais prêt.
Si on le fait en plus en dévoilant nos blessures, en se posant comme victime de cette violence, on joue, en plus, notre crédibilité.
C’est ce que tu as écrit. T’as raison. Mais je me crisse de ma crédibilité. Enfin non, c’est pas vrai. Je me crisse de ce que les gens peuvent penser de ma crédibilité.
Comme avec mon psychiatre, je sais que j’ai raison.
Merci Mickaël Bergeron ! Ça été un plaisir d’échanger avec toi.
p.s. : c’est une photo de moi prise par une personne qui m’est chère dans un des rares moments de grand bonheur au cours des trois dernière années. Peu importe la suite, je lui dis merci.
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