Voilà 667 jours que j’ai écrit un billet sur ce blogue.
J’ai profité de ces 667 journées pour me remettre sur pied, reprendre le boulot, vendre mon condo, me faire une blonde, louer une maison, vivre l’expérience de revenir d’un long arrêt de travail en plein pandémie mondiale.
Rien que ça.
À coup d’essais et d’erreurs, j’ai réussi à retrouver un certain équilibre dans ma vie. Ce n’est pas parfait, mais ça fonctionne.
J’ai changé, mais il y a des choses qui sont restées les mêmes.
Je suis toujours aussi intolérant face aux injustices. Toutes les injustices.
Si je reprends la plume, c’est pour témoigner d’une bataille que je mène face à deux de ces injustices. Les agissements des compagnies d’assurances et les immenses pouvoirs du Collège des médecins du Québec.
Ça l’air gros, lancé comme ça. On dirait presque un complot. Mais il n’y a pas de complot. C’est néanmoins l’histoire d’organisations qui ont de grands pouvoirs, mais qui n’ont pas compris qu’elles avaient également de grandes responsabilités.
Ça vous dit quelque chose cette devise ? C’est que vous l’avez probablement entendue de la bouche de l’oncle de Spider-Man avant de mourir dans les bras de son fils adoptif, Peter Parker. Sinon, on peut également attribuer cette citation à Winston Churchill et à Franklin D. Roosevelt.
Laissez moi vous raconter une anecdote pour illustrer les immenses pouvoirs du Collège des médecins.
Quand j’ai porté plainte devant le Collège des médecins contre l’expert de mon assureur, la Canada-Vie, j’ai dû signer un formulaire autorisant le collège à transmettre copie de ma plainte au médecin concerné. Ça me semblait tout à fait normal. C’était une évidence pour moi que ce médecin puisse savoir de quoi je l’accusais.
C’est un principe élémentaire de notre système de justice.
Ma plainte de 25 pages lui a donc été transmise. Ce médecin a offert sa version écrite au syndic du Collège des médecins (CDM). Il a même eu droit à des échanges verbaux avec le CDM. Une décision a été rendue. Le syndic ne recommandait pas que le dossier soit soumis au comité de discipline. Mais il a indiqué qu’il demanderait une inspection professionnelle des pratiques de ce médecin.
Dans l’intervalle, le syndic n’a jamais communiqué avec moi pour entendre ma version des faits. Vous direz qu’il avait ma plainte écrite pour se faire une idée. Je veux bien, mais je note quand même l’absence d’équilibre dans le traitement du dossier. Le médecin concerné a eu plusieurs occasions de présenter sa version des faits. On n’a pas cru bon me questionner davantage.
J’ai demandé à obtenir copie de la réponse écrite du médecin à ma plainte. On m’a répondu qu’il fallait que je fasse une demande d’accès à l’information. Ce que j’ai fait. Nouveau refus.
J’ai porté cette décision devant la Commission d’accès à l’information (CAI) pour une révision.
Il y a trois semaines, j’ai eu des nouvelles de la CAI. Une séance de médiation a été organisée avec le médiateur et l’avocat représentant le Collège des médecins. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que cet avocat avait en main tout mon dossier. Il avait copie de ma plainte au Collège des médecins.
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Petite pause ici pour rappeler que l’affaire devant le CAI ne porte pas sur ma plainte en déontologie contre un médecin. L’affaire porte seulement sur la question suivante : le Collège des médecins respecte-il les lois en refusant de me transmettre copie du document demandé ?
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Donc, je suis en séance de médiation devant la CAI avec l’avocat du Collège des médecins. Pour se défendre dans cette affaire, le collège a transmis à son avocat ma plainte de 25 pages. Un document très personnel qui contient des informations très personnelles, c’est le moins qu’on puisse dire. Il y a même des affaires dans ce document que je n’ai racontées à personne, pas même à ma blonde ni à mes enfants.
À quoi cela sert-il dans le débat devant le médiateur? Absolument rien. Niet, nada.
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En apprenant que cet avocat avait en sa possession copie de ma plainte, j’ai ressenti un profond sentiment d’humiliation. Un homme que je ne connais pas connaissait lui des moments parmi les plus sombres de ma vie. Le Collège des médecins lui a transmis ce document sans jamais me demander ma permission.
Le plus ironique dans tout ça, c’est que l’avocat m’explique que ça n’aurait pas d’allure que le Collège des médecins me transmette la réponse écrite du médecin sans son autorisation.
C’est un bon point. Il faudrait m’expliquer alors pourquoi « ça de l’allure » que le Collège des médecins transmette copie de ma plainte sans mon consentement…
Et dire que le Collège des médecins a jugé bon demander mon autorisation écrite pour transmettre ma plainte au médecin concerné. Visiblement, cette notion de consentement fonctionne à géométrie variable.
Certains diront que cet avocat est lié par le secret professionnel. On pourra dire aussi qu’il a un code de déontologie. Je veux bien. Mais des professionnels qui se font prendre à ne pas exercer leur profession dans les règles de l’art, ça existe aussi. Sans compter tous ceux qui ne sont pas exposés au grand jour.
Je repose la question : à quoi cela sert-il ? Il est évident que ça ne sert à rien… sauf à intimider ceux qui osent contester les pouvoirs du Collège des médecins.
Oh les gros mots, direz-vous… L’intimidation, quand même. Personne ne m’a menacé. Le Collège des médecins n’a pas embauché de fiers à bras pour m’intimider.
C’est vrai. Sauf que notez toute la subtilité de l’affaire. Au détour d’une conversation, pendant une séance de médiation devant la Commission d’accès à l’information, l’avocat du Collège des médecins laisse subtilement entendre qu’il a lu les 25 pages de ta plainte…
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Je soulève aussi un autre problème qui pourrait survenir. C’est de l’ordre de la rhétorique, mais la question demeure pertinente.
Mettons qu’un jour une personne veuille me poursuivre. Mettons qu’elle n’a pas aimé un article la concernant, à tort ou à raison. Mettons que cette personne embauche un avocat pour la représenter. Mettons que cet avocat est le même que celui qui représente le Collège des médecins devant la Commission d’accès l’information…
Ce n’est qu’une hypothèse. Les chances que ça se produisent sont en effet plutôt faibles. Mais mettons que ça arrive… Je trouve que ça soulève de bonnes questions sur mes droits à moi. Il semble que je n’en ai pas beaucoup face au Collège des médecins.
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Pour ceux qui se le demandent, il semblerait que le Collège des médecins a le droit dans ce cas de transmettre des informations me concernant sans mon autorisation. J’ai fait la vérification. C’est formidable, n’est-ce pas ?
Quand je parlais de grands pouvoirs…
Comment s’est terminée la médiation ? J’attends toujours un retour de l’avocat à ce sujet. Après une heure de discussions où il était évident qu’aucune entente n’était envisageable, j’ai fait une proposition audacieuse.
J’étais prêt à laisser tomber ma demande d’appel devant la CAI en échange de deux informations du Collège des médecins.
Je veux savoir si le médecin contre lequel j’ai porté plainte a bel et bien eu droit à une inspection professionnelle et si oui, quand. Je rappelle ici que la mission première du Collège des médecins est la protection du public. En fait, légalement parlant, c’est sa seule raison d’être.
Quand j’avais fait la demande une première fois au Collège des médecins, on m’a répondu… de faire une demande d’accès à l’information ! Je demandais seulement si l’inspection professionnelle avait bel et bien été réalisée.
Ça fait deux semaines maintenant que j’attends des nouvelles de cet avocat, qui m’avait dit qu’il allait me revenir avec une réponse la semaine suivante. C’est correct.
C’est l’une des plus grandes leçons que j’ai apprise ces dernières années. La souffrance m’a appris la patience. Quand il y a d’autres moments difficiles, et il y en a, je suis patient. Les moments difficiles vont s’estomper. Et ça fonctionne !
J’étais déjà parfois très entêté dans certaines circonstances. Je suis devenu un homme très patient.
Je n’ai pas de grands pouvoirs, mais je juge que j’ai de grandes responsabilités de témoigner.
C’est ce que je fais continuer de faire ici…
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