Chronique coup-de-poing de mon collègue Patrick Lagacé ce matin.
Il y parlait de moi. Je fais partie des statistiques. Il y parlait de milliers, que dis-je de centaines de milliers si ce n’est pas quelque millions de personnes qui souffrent, seulement au Québec.
Il termine sa chronique en écrivant ceci : « (…) il n’y a rien de surprenant à ce que tant de gens soient en « détresse psychologique ». Ce qui est surprenant, c’est que ce soit surprenant. »
> Pour lire Patrick Lagacé : Chronique-sandwich sous pression.
Avant de lire cette chronique, comme tous les matins, je me suis levé avec une douleur dans la poitrine. Je suis allé faire marcher mon chien en pleurant. Je pleurais encore en préparant mon café.
Je me suis assis pour déjeuner. J’ai téléchargé mon édition de La Presse+. Annoncée en une, la chronique de Patrick Lagacé a attiré mon attention.
Son texte m’a mis en colère. Au moins une bonne nouvelle. C’est la preuve que malgré mes moments difficiles, il y a une féroce envie de vivre qui m’habite encore.
Je ne suis pas en colère contre Patrick Lagacé, bien évidemment. Je suis en colère à cause des vérités qu’il énonce. Je suis en colère à cause de la chute de sa chronique.
« Et après, sous le poids de toutes ces pressions, il n’y a rien de surprenant à ce que tant de gens soient en « détresse psychologique ». Ce qui est surprenant, c’est que ce soit surprenant. »
Je suis en colère parce qu’il fait référence à d’autres chroniqueurs qui ont écrit sur le même sujet.
Je suis en colère parce que, malgré le fait qu’on en parle de plus en plus, ce qui est surprenant, c’est que ce soit surprenant.
Je suis aussi en colère, parce que pour la première fois de ma vie, tous ces gens ne sont pas seulement des statistiques pour moi.
Je sais ce que c’est, maintenant. La souffrance invisible est d’autant plus douloureuse parce que justement, elle n’est pas visible.
On en parle donc. Mais dans les faits, que se passe-t-il ? Il y a bien sûr des initiatives heureuses pour venir en aide aux personnes aux prises avec un problème de santé mentale. Mais elles sont plus souvent qu’autrement le fruit d’organismes sans but lucratif.
Pendant ce temps, la part consacrée à la santé mentale dans le budget santé du Québec est de 3,5%.
On entend le même refrain tous les ans. Une nouvelle réussit à faire les manchettes au Québec et un ministre, le coeur sur la main, affirme que la situation est préoccupante.
Régulièrement, les experts en santé mentale, psychiatre, médecins, psychologues, etc., dénoncent la situation. Je ne sais plus ça fait combien d’années qu’ils font une sortie annuelle à ce sujet.
Au privé, les psychologues se disent débordés. Et ils ne traitent que ceux qui ont la chance d’avoir des assurances pour se payer un psy. Ça veut dire que ça en fait du monde qui n’ont même pas la chance de consulter un psychologue.
Évidemment, plus d’argent frais dans le système ferait une différence. Mais parfois, ça ne coûte pas cher aider des personnes qui souffrent.
Au cours de l’été, je participais à un programme mis sur pied par l’hôpital Charles-LeMoyne. Une idée toute simple, mais probablement trop simple pour les comptables de l’État.
L’hôpital organisait une fois par semaine une séance de yoga en plein-air avec une prof de yoga. De plus en plus de psychiatres référent leurs patients pour ce genre d’activité, qui est offerte gratuitement.
Le jeudi, on jouait au ultimate frisbee sur un terrain de football. Une gang de poqués accompagnée par une intervenante formait deux équipes et oubliait les soucis pendant une heure.
J’ai même écrit là-dessus.
> Jouer au frisbee avec les fous
J’y ai vu des sourires. J’y ai vu du plaisir. J’y ai vu une percée de soleil pour tous ceux qui souffraient le reste de la semaine. J’y ai vu des gens qui n’avaient pas souvent la chance de recevoir des passes dans la vie.
Je m’étais donné comme mission de couvrir François (nom fictif) que je connaissais déjà. Un grand bonhomme, costaud, de 6 pieds. Agile et rapide.
J’ai croisé François cet automne et la première chose dont il m’a parlé, en souriant, c’est à quel point je l’avais empêché de marquer des points. Il rigolait et moi aussi.
Ce genre d’activités devrait être étendue à la grandeur du Québec. Mais c’est plutôt le contraire qui va se produire. Les budgets sont tellement serrés. Serré au point que libérer une intervenante une fois par semaine….
Pourtant, ça ne coûte pas cher. Les psychiatres réclament ce genre d’initiatives.
Et puis, s’il fallait que ça fasse les manchettes. Des fonds publics qui servent à financer des parties de frisbee pour une gang de fous. Les questions à l’Assemblée nationale. Le ministre qui affirme qu’il n’était pas au courant et que son ministère va ouvrir une enquête.
Vous ne me croyez pas ?
Ça me fait penser à cette nouvelle qui a fait scandale il y a plusieurs années. Le gouvernement libéral avait annoncé qu’il débloquait des fonds pour permettre à des centres pour personnes âgées d’embaucher des clowns pour divertir leurs résidants.
Richard Martineau s’était fendu d’un billet de 112 mots pour ridiculiser l’idée.
> Pour lire Richard Martineau : Patapouf à la rescousse
De quelle idée était-il question ? Québec allait dépenser l’astronomique somme de 293 000$ sur quatre ans pour permettre à des clowns formés par l’organisation Dr Clown d’aller rendre visite à des personnes âgées.
Scandale !
L’idée est tellement absurde que les activités de Dr Clown se sont multipliées depuis cette nouvelle. Les médecins, les psychiatres, les infirmières réclament de plus en plus les clowns de Dr Clown.
Je prépare un reportage là-dessus, à lire quelque part en 2020.
Après ça, on se dit que ce qui est surprenant, c’est que ce soit surprenant.
Investir pour aider tous ces gens qui souffrent de détresse psychologique ?
C’est pas encore rendu une évidence. Il y a des progrès, mais les besoins sont tellement grands.
Et on continue d’être surpris…
p.s. : La détresse psychologique, les troubles de santé mentale, tout ça est extrêmement complexe. Difficile d’identifier une seule source à ces problèmes. Le cerveau humain est d’une complexité infinie. Même les meilleurs cerveaux de la planète n’ont pas réussi totalement à le déchiffrer.
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