Peut-être que certains me trouvent fatigant. Écrire autant.
J’écris pour trois raisons dans la fond.
La première, c’est pour gérer mes angoisses. Quand elles me prennent, me retrouver derrière un clavier, c’est comme retrouver de vieilles pantoufles. Mon cerveau reconnaît tout de suite la zone de confort.
Et il en a bien besoin pour oublier les mammouths et déjouer l’angoisse.
Vous allez dire que les angoisses viennent souvent… Ben oui.
C’est la faute aux mammouths.
La deuxième, c’est qu’on m’a encouragé à le faire. Tenir un blogue est une idée de mon psychologue. Je l’en remercie.
J’ai aussi reçu des encouragements de plein de gens quand j’ai commencé à publier mes billets. Je n’ai pas le lectorat de Patrick Lagacé, mais il y a eu suffisamment de personnes qui m’ont dit que mes mots à moi leur faisaient du bien à eux.
Je ne m’attendais pas à ça. Dire que ça ne m’a pas fait du bien serait un grossier mensonge.
Je n’ai pas des tonnes de lecteurs, mais j’en ai au Canada, aux États-Unis, en France et en Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande, je ne l’avais pas vue venir celle-là.
La troisième raison, je ne l’ai découverte que récemment avec mes traitements de SMTr.
Quand j’ai appris qu’un de mes billets circulaient dans les officines du CHUM, je me suis rappelé le pouvoir des mots.
Quand les infirmières qui s’occupent de moi m’ont dit qu’elles avaient apprécié me lire, de lire la perspective d’un patient assis sur la chaise avec une bobine de cuivre sur la tête, j’ai compris que je pouvais apporter ma contribution, toute modeste soit-elle.
La troisième raison, donc, c’est que c’est valorisant. Quand tu es en dépression, il n’y a pas beaucoup d’occasions de se sentir valorisé. Les nuages planent au-dessus de ta tête et plus souvent qu’autrement, tu as l’impression d’être un peu une merde sans avenir.
Et malgré mes 51 ans, je suis encore un peu naïf. Je rêve toujours de rendre le monde un peu meilleur.
Mon psychologue et mon psychiatre m’ont tous les deux dit que je pouvais faire quelque chose de bien avec ma plume.
Je doute toujours un peu de ma plume, mais je ne peux plus nier qu’elle semble faire une différence.
Il y a plein d’affaires dans lesquelles je suis vraiment poche. Mais je sais écrire.
Alors c’est ce que je fais.
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Je veux juste dire un mot ou deux sur la notion de courage.
Il y a tant de gens qui souffrent d’un problème de santé mentale. Il sont de plus en plus nombreux.
En plus de vivre avec la douleur du cancer de l’âme, certains sont ostracisés par la famille et les amis même en 2019.
En plus d’avoir à vivre avec une souffrance trop souvent indescriptible, ils subissent le rejet ultime pendant la période la plus difficile de leur vie.
Ils sont un peu paresseux, ils manquent de courage ou de volonté.
Ça ne viendrait jamais à l’esprit de quiconque de penser ça d’un proche atteint d’un cancer. Celui-là est un combattant. Et pourtant…
Pour ma part, je peux dire que je me bats en tabarnak depuis plusieurs mois. Je mets au défi quiconque de venir me dire en pleine face que les gens en dépression sont des paresseux.
Je n’ai aucune idée du courage que ça prends pour affronter un cancer, et ça doit en prendre, mais je peux dire ceci.
Ça prends un train de courage pour affronter la dépression. Ça en prends d’autant plus qu’on ne se précipite pas généralement à « ton chevet » pour t’offrir soutien et réconfort.
Pour certains, on ne parle même plus de courage quand tes amis et ta famille te traitent comme un pas bon. Qu’est-ce qu’il y a de plus fort que le courage ?
Vous trouvez que j’exagère ? Je peux vous dire que ça arrive et plus souvent qu’on ne peut l’imaginer. Encore en 2019.
Ça porte un nom : le tabou.
« Qu’il serait malséant d’évoquer en vertu des convenances sociales ou morales », peut-on lire dans Le Larousse.
Malséant ?
« Qui est contraire à la bienséance. Choquant, incongru. »
Pour ma part, je ne vois rien de choquant ni d’incongru à parler du problème qui sera la deuxième cause d’invalidité dans le monde dès l’an prochain.
En Angleterre, par exemple, les prescriptions d’antidépresseur ont doublé en 10 ans et atteignent maintenant 70 millions de prescriptions en 2018, rapporte le prestigieux New Scientist.
Antidepressant prescriptions have reached 70 million in England
La population de l’Angleterre? 66 millions de personnes.
Alors il n’y a vraiment rien choquant ni d’incongru à en parler.
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