J’écris ce billet du 11e étage du CHUM en attendant mon 21e traitement de Stimulation magnétique trans-cranienne (SMTr).
Ça veut donc dire que j’ai passé le cap des 20 traitements. C’était en quelque sorte le chiffre magique pour déterminer s’il se passait quelque chose dans mon cerveau.
La stimulation machin, dans le fond, c’est comme le CAA de la dépression. Tu as recours à ses services quand t’as besoin de faire booster ton char en plein hiver, alors qu’il fait -25 degrés.
Ça fait donc 20 fois maintenant que je fais booster mon cerveau.
À gauche, à coups de marteau-piqueur durant 15 minutes, et à droite avec un métronome qui cogne sur ton crâne pendant 20 minutes.
Mea culpa ici. Le marteau-piqueur ne dure pas 25 secondes, comme je l’ai écrit précédemment. C’est plutôt 5 secondes. Mais les premières fois, ça me paraissait si long que j’ai confondu les chiffres donnés par l’infirmière. C’est 5 secondes de marteau-piqueur suivies de 25 secondes de pause. Et puis, anyway, ça cogne en ta, comme dirait le Moose Dupont.
J’ai donc fait booster mon cerveau 20 fois depuis deux semaines et c’est maintenant une certitude, pas juste une impression, la simulation machin, ça fonctionne.
La vie commence à revenir lentement dans ma tête. Y des fils qui se touchent à nouveau. Je vous rassure, c’est positif dans ce cas-ci !
Je sais néanmoins que je vais rentrer chez moi en fin d’après-midi un peu fatigué et avec un mal de tête. Un peu les émotions, un peu le traitement, un peu le déplacement. Je vais avoir le motton dans le métro et dans le bus. Me retenir jusqu’à ce que je sois chez moi. Mais si je suis chanceux, il y aura peut-être quelques larmes de joie au milieu de celles qui font encore mal.
En attendant ma première et ma deuxième séance d’aujourd’hui, j’ai même réussi à composer des paroles de ce qui pourrait devenir une chanson, qui sait. Il me reste à trouver une mélodie.
Ça s’intitule Les petites pilules.
Rondes ou carrées
Parfois rectangulaires
Sont là pour te booster
Comme un vieux char en hiver
Comme de l’engrais
Pour des plantes fanées
Aux racines qui manquaient
Dans tes circuits fuckés
Mais y’aura pas de miracle
Peu importe la molécule
Rien à faire contre le spectacle
Des cicatrices qui s’accumulent
Même si tu le voulais
Y a pas de petites pilules
Pour panser les plaies
Et retrouver ton âme qui gesticule
Y a que le temps
Cette notion oubliée
Quand la douleur te prend
Le temps et ses pouvoirs insoupçonnés
La petite pilule
C’est juste un outil
Une sorte de ratchet
Pour des boulons finis
La petite pilule t’achète du temps
Cette notion oubliée
Quand t’es trop souffrant
Et un peu magané
Sont là pour te booster
Comme un vieux char en hiver
Quand t’es trop magané
Pour voir l’espoir et son p’tit frère
Même si tu le voulais
Y a pas de petites pilules
Pour panser les plaies
Et retrouver ton âme qui gesticule
Y a que le temps
Cette notion oubliée
Quand la douleur te prend
Le temps et ses pouvoirs insoupçonnés
Il reste à savoir maintenant si mes séances de survoltage suffiront à redémarrer la machine pour de bon. Mais comme le char n’arrivait plus à partir, c’est déjà énorme de pouvoir à nouveau prendre le volant.
En fait, la machine est bien redémarrée. La question qui demeure, c’est de savoir si le CAA de la dépression aura réussi à me booster définitivement ou seulement pour me permettre de me rendre jusqu’au garage.
Mais peu importe, c’est une bonne nouvelle.
Il va y avoir encore des moments difficiles, mais j’ai la certitude maintenant que je vais être mieux équipé pour les affronter.
Parce qu’il y a des affaires que ni la stimulation machin ni les pilules ne peuvent régler.
Quand y a trop de nuages noirs au-dessus de ta tête, que le courage et l’énergie finissent par te manquer, ces affaires-là te semblent insurmontables.
Pour pouvoir espérer retrouver mon âme qui gesticule, ça me prenait un coup de pouce de la science des molécules et un peu d’une technologie qui existe depuis 1831.
Et ça prends aussi du courage et de l’acharnement. Un peu à l’image d’Elzéard Bouffier, dans L’homme qui plantait des arbres.
« Quand je réfléchis qu’un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales a suffi pour faire surgir du désert ce pays de Chanaan, je trouve malgré tout que la condition humaine est admirable.
Mais quand je fais le compte de tout ce qu’il a fallu de constance dans la grandeur d’âme et d’acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette oeuvre de Dieu. »
C’est douloureux, mais parfois il faut mourir un peu pour mieux renaître.
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