Je vous ai déjà dit que j’ai été préposé aux bénéficiaires au début de la vingtaine.
Ça fait bizarre de me retrouver de l’autre côté cette fois-ci.
J’ai trahi mon âge une première fois quand j’ai demandé à la préposée de tourner la manivelle au pied du lit pour remonter la tête de lit.
Ce n’est plus comme ça m’a-t-elle dit en riant. Regardez les deux poignées jaunes à la tête du lit, il faut juste appuyer là-dessus.
Hé bin, on n’arrête pas le progrès !
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J’ai dormi toute la nuit. Le contraire aurait été étonnant avec la dose de cheval qu’on m’a donné.
Malgré tout, quand je me suis réveillé ce matin, la douleur était encore là, en embuscade. Elle se tient un peu plus loin. Les médicaments qu’on m’a donnés me gèlent en quelque sorte. Mais je ressens une douleur à la poitrine qui est prête à reprendre sa place n’importe quand.
Je réalise à quel point elle devait être si intense sans le cocktail qui m’a été prescrit par le médecin.
Je réalise aussi qu’il était temps que je vienne chercher de l’aide supplémentaire.
Ma fille de 25 ans, qui est aux études et travaille aussi à temps partiel, commençait à montrer des signes de fatigue.
Hier, c’est Nathalie, mon ex, qui est venue prendre la relève parce que Noémie devait partir travailler vers 16h.
J’ai plein de griefs à l’endroit de Nathalie. Ça été fucking difficile par moment. Mais ça reste la personne qui me connaît le mieux sur cette planète et vice-versa. Et nous avons eu ensemble deux magnifiques enfants.
Et hier, elle a été là, point. Plutôt que se plonger dans sa culpabilité ou encore dans son incapacité occasionnelle à me voir souffrir, elle a juste été là, comme toutes les fois où j’ai fait ça pour elle dans les dernières années.
Ça m’a fait du bien. Il est hors de question qu’on revienne ensemble, mais de voir que, pour une fois, elle mettait ses souffrances de côté pour m’aider à prendre soin des mienne, ça m’a fait beaucoup de bien.
Parce que je ne veux pas vivre dans la colère face à quelqu’un avec qui j’ai passé 25 ans de ma vie, même si les dernières années ont été très difficiles.
Ce n’est pas dans mon ADN. Je vais devoir apprendre à me protéger un peu mieux, mais ce n’est pas moi ça, vivre dans l’amertume et la colère.
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On vient de me servir mon déjeuner.
Superbe présentation, comme dans les plus grands restaurants.
Café, jus d’orange et morceau de fromage. C’est le plat principal qui m’intrigue… Une omelette aux trois fromages avec jambon et champignons ? Je salive déjà.
Et tadam !!
La déception est vive.
Deux roties avec un seul contenant de confiture. Mais bon, je n’ai pas à me plaindre. Je suis à l’hôpital et les toasts sont quand même chaudes.
Je me rappelle à quel point j’étais gêné de servir les déjeuners aux patients au milieu des années 80. Des toasts froides et toutes molles… Menoum…
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Hier, je n’ai pas cessé de penser à la chronique de Patrick Lagace, à laquelle j’ai réagi en publiant une lettre dans la section Débats.
J’y ai pensé encore plus quand une infirmière est venue me remettre un dépliant au sujet d’un centre de crise qu’on peut appeler en tout temps.
Un peu bête, j’ai répondu que je ne n’étais pas venu à l’urgence pour recevoir un dépliant, mais de l’aide.
Elle m’a répondu, un peu mal à l’aise, que c’était la procédure qu’elle appliquait.
Mon angoisse a grimpé d’un cran, craignant que moi aussi, on me retourne chez moi avec un dépliant et quelques bons mots.
Ce qui n’est pas ce qui s’est passé, heureusement. Une médecin qui te fait un gros câlin alors que tu pleure comme un bébé et qui te dit que tu vas t’en sortir, ben ça fait du bien.
Je ne sais pas si c’est écrit comme ça dans le serment d’Hypocrate, mais ça doit ressembler à ça :
Le patient souffrant et en dépression tu écouteras avec tendresse et empathie. Et si c’est nécessaire, un gros câlin tu lui feras pour lui faire comprendre que nous tous humains.
Bon, c’est probablement écrit avec des mots plus savants. Mais ça nous ramène à la base de la médecine : aider son prochain.
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Je viens de faire ma première parade de mode ever en jaquette bleue. C’était d’un chic fou. Jaquette bleue, bas noirs et pantoufles d’hôpital bleues. Oui, oui, je porte encore mes sous-vêtements. Pas question de montrer mes fesses à personne, enfin à presque personne 😉
Avec mes traits tirés et ma barbe mal rasée, je suis irrésistible, je n’en doute pas un instant.
Si je suis assez en forme pour aller au party du STIP, ça pourrait être mon déguisement. Je suis certain que je torche tout le monde et que je suis le clou de la soirée. Même Hugo Meunier n’a jamais fait ça 😉
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J’essaie de rire un peu, surtout de moi-même. C’est une façon de masquer la douleur qui m’habite. Il s’est juste passé trop de choses dans ma vie ces deux dernières années pour que je ne craque pas.
La bonne nouvelle, c’est que je suis vraiment bien entouré. Je ne compte plus les messages d’amour reçus depuis hier. Merci à tous !
Un merci tout spécial à mes deux anges-gardien : ma fille Noémie et la formidable Marie-Eve Martel.
Merci aussi à Pascale St-Onge, une femme extraordinaire qui n’est pas seulement une excellente présidente de la FNC. Merci à Charles Côté. Merci à Francine Bousquet et à tous les autres.
Comme disait ma soeur quand elle était petite : je vous aime gros comme mon coeur avec une peanut dessus xxz
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