J’écris ce billet d’un lit situé aux urgences de l’hôpital Pierre-Boucher.
Je m’y suis présenté hier parce que même entouré de gens formidables, qui m’aiment sincèrement, ma souffrance était rendue telle que l’hôpital s’avérait la seule option.
J’étais rendu au bout du rouleau et ma fille qui me soutient au quotidien commençait à manquer de gaz elle aussi.
C’est quand même drôle la vie…
L’an passé, c’est beaucoup par amour pour ma fille que j’ai sorti sa mère de l’hôpital Douglas et que je l’ai hébergée pendant 8 mois.
Ça été un cauchemar pour moi, surtout qu’on n’a reçu aucune aide de mon ex belle-famille.
Chaque jour, je rentrais à la maison un peu chamboulé de rentrer à la maison. Parfois triste, parfois en colère, souvent les deux.
Je rentrais à la maison après des journées stressantes au journal ou au syndicat, mais je n’y trouvais aucun répit.
J’y trouvais mes deux enfants en train de consoler leur mère en dépression qui avait fait deux tentatives de suicide pendant l’automne. Et qui avait encore des idées noires.
C’est entre autres par amour pour ma fille que j’ai fait l’impossible, que j’ai dépassé mes propres limites, sans m’en rendre compte au début.
Ma fille qui ne cessait de me dire qu’il fallait faire quelque chose. J’ai bien des défauts, mais ma famille pour moi, c’est sacré. Même séparé de mon ex, il y aura toujours un lien qui nous unit tous les quatre.
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Je suis à l’hôpital et il n’y a pas grand-chose à faire. Je lis donc le journal.
Malgré les médicaments, l’angoisse est en train de reprendre sa place. Deux ans de stress intenses, ça use un homme.
Je tombe sur la chronique de Patrick Lagace et le discours de Catherine Dorion. Et son t-shirt, évidemment.
Voici ce que j’ai à dire sur le t-shirt de Mme Dorion.
Je ne suis pas surpris qu’un t-shirt fasse tant parler de lui.
C’est à l’image même de notre société.
Une société du vide, faite de vendredi fou et de lundi noir.
Une société où les annonces de char nous promettent le bonheur. Où les banques nous promettent le bonheur. Où les épiceries nous promettent le bonheur. Où les Rona, Reno-Depot ou autres nous promettent le bonheur.
Quand on est chanceux, le bonheur vient en quatre paiements faciles et on obtient une deuxième dose de bonheur en prime.
J’imagine qu’on parlera beaucoup moins de son discours, magnifique.
Catherine Dorion nous parle d’abord de solitude. Maudit qu’elle a raison.
Il y a toutes sortes de solitude dans notre société.
Mais dans une société où règne la dictature du bonheur, la solitude est partout.
Je me sentais terriblement seul l’an dernier alors que j’aurais apprécié un peu d’aide avec un si lourd fardeau.
Je sais que les solitudes ne se comparent pas. Je persiste à croire cependant que ma solitude à moi, elle jouait dans la Ligue américaine, pas dans la Ligue nationale.
Il y a des gens terriblement seuls tout le temps.
Et tout le reste qui suit. Une société de plus en plus déconnectée de la nature profonde d’homo sapiens. Homo sapiens, qui est d’abord un animal social.
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Je termine ces lignes alors que je suis rendu à l’hôpital Charles-LeMoyne où j’ai été transféré et où j’ai vécu une expérience fort désagréable.
A mon arrivée, on m’a installé dans une immense salle vitrée avec 4 autres patients dignes de Shutter Island.
Pas le droit au téléphone ni à ma tablette ni à rien. Pas même le droit à mes médicaments tant que je n’aurais pas vu un psychiatre, ce qui pouvait prendre encore plusieurs heures.
L’infirmier n’avait même pas lu mon dossier et ne montrait aucun intérêt à vouloir le lire.
Il a fallu que je me fâche un peu – dans mon état, c’était pas génial – pour que l’infirmier accepte de faire venir un médecin de l’urgence.
Ça pris 5 minutes au médecin pour comprendre que je n’avais pas d’affaire là. Il m’a fait transférer dans une autre aile plus appropriée.
Bref, Pierre-Boucher 1; Charles-LeMoyne 0.
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Je disais au début de ce billet que c’est drôle la vie. C’est entre autres par amour pour ma fille que j’ai accepté d’héberger sa mère.
Aujourd’hui, c’est aussi par amour pour ma fille que j’ai accepté de me rendre à l’hôpital. Je l’ai fait pour moi d’abord, mais je me suis dit aussi que ça serait un soulagement pour elle de voir son père aller chercher de l’aide.
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