S’il y a bien une certitude dans la vie, c’est qu’il y aura des déceptions. Des petites et des grandes.
C’est une certitude. Et personne n’est épargné. Riche ou pauvre, grand ou petit, gros ou maigre, blanc ou noir, juif ou musulman. On n’y échappe pas.
C’est un peu comme la mort et les impôts… sauf que dans le cas des impôts, il semble bien que certains arrivent à les éviter, mais ça c’est une autre histoire.
Les déceptions, donc.
Je l’ai déjà écrit, les événements des deux dernières années (et leurs déceptions) ont ravivé de vieilles blessures, causées par d’autre déceptions.
Disons gentiment que ce n’étaient pas de petites déceptions. Pour employer mon mot favori dans cette période de ma vie, c’étaient de fucking déceptions.
Comme ça n’arrive pas souvent dans une vie, où tu te retrouves à avoir autant de temps pour réfléchir à ce qui t’arrive et, surtout, à ce qui t’es arrivé, ben je réfléchis.
C’est peut-être là l’un des avantages collatéral d’une dépression. Faut bien qu’il y ait des avantages, sinon ça sert à quoi d’avoir aussi mal?
Je réfléchis, donc, et je prends la mesure de ce qui s’est passé dans ma vie.
Je fais à nouveau une précision ici. Je suis un homme privilégié. Je gagne bien ma vie. J’ai deux magnifiques enfants en santé. J’ai un toit pour y vivre. Je ne suis pas riche, mais je ne manque de rien et j’arrive à m’acheter un instrument de musique de temps en temps.
Je prends donc la mesure de mes déceptions. Et je réalise que ce n’est quand même pas banal.
C’est longtemps ce que j’ai fait, avancer dans la vie en banalisant ces déceptions. En me disant tout le temps qu’il y avait des gens qui vivaient bien pire que moi.
De façon objective, c’est tout à fait vrai.
Ce que je n’avais pas réalisé, c’est que ce raisonnement ne faisait pas disparaître les déceptions pour autant.
C’est pour ça que je dis que je prends la mesure de ces déceptions. Et je réalise que ce ne sont pas de petites affaires. Ce sont des déceptions qui touchent au coeur même de ton identité, de ton sentiment d’appartenance, du besoin inné chez l’être humain d’appartenir à une tribu.
Moi, on m’a enlevé une partie de ma tribu à l’âge de 6 ans. À 21 ans, la tribu qui m’avait été imposée, mais que j’avais fini par adopter, m’a renié, carrément.
J’avais même fait le choix de porter le nom de cette nouvelle tribu. Choix est un grand mot, remarquez. Quelqu’un avait fait ce choix pour moi quand j’avais 6 ans. Douze ans plus tard, quand j’ai légalement pris le nom Gibeault, ça faisait justement 12 ans que je portais ce nom tous les jours. Et je croyais toujours alors que mon père biologique était Darth Vader.
J’ai même été adopté légalement pour que je puisse m’appeler Gibeault.
Dans les registre de l’État, j’ai donc eu officiellement deux pères. Mais jamais un au complet.
On m’a donc pris mon identité à 6 ans. On m’a renié à 21 ans.
Mais il me restait ma tribu d’origine. Du moins, c’est ce que je croyais.
Je vous ai raconté la tempête que j’ai vécue quand j’ai décidé que je reprenais mon vrai nom, celui de Champagne.
Je vous ai expliqué que c’est entre autres la musique qui a motivé ce choix.
En ce moment même, je réalise que depuis un mois, j’ai composé plus de 10 pièces, essayant au passage d’ajouter plusieurs instruments pour les arrangements.
Je vous ai dit que mon père, un homme bien ordinaire, était aussi musicien et jouait de presque tous les instruments. Je vous ai dit que la mère de mon père, ma grand-mère, jouait du piano.
Je ne pouvais être autre chose qu’un Champagne dans la vie.
Ma tribu d’origine, donc.
Je l’ai perdue elle aussi. Le jour où j’ai fait le choix d’assumer qui j’étais vraiment et ne plus vivre dans le mensonge, j’ai aussi perdu ma tribu d’origine, soit ma mère et ma soeur.
Troisième grande déception. Elles sont toutes reliées entre elles.
La dernière a été particulièrement difficile à vivre.
C’était un peu comme Le choix de Sophie. Peu importe le choix que tu feras, ça sera douloureux.
Je devais choisir entre ma tribu et moi.
Pour une rare fois dans ma vie, je me suis choisi moi.
C’était le bon choix.
Mais un choix qui a provoqué d’autres déceptions. Je n’ai pas pris le temps à ce moment-là de mesurer cette déception, de l’absorber, de la vivre, de la pleurer, de la crier et d’en guérir.
C’était un choix cruel. Mais on ne choisit pas ce qui nous arrive, on choisit seulement la façon de se comporter dans ces moments-là.
Ça été douloureux et ça l’est encore. Mais je regrette pas mon choix.
Ce que je suis en train de faire en ce moment, c’est faire passer les gros morceaux de déceptions qui restaient en moi. Ça, ça fait mal.
Et assumer totalement qui je suis. Ça, c’est la bonne nouvelle.
p.s. : sur la photo, je suis avec ma soeur. J’ai probablement 4 ou 5 ans, et elle, 2 ans.
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