Jouons à Serpents et échelles…

Dans un récent éditorial, dans La Presse, François Cardinal signalait, à juste titre, qu’il faut qu’on parle de santé mentale. D’abord, bien sûr, pour tous ceux qui en souffrent. Mais aussi pour tous les proches, qui souffrent aussi.

Y a beaucoup de monde qui souffre d’un problème de santé mentale, mais les proches sont encore plus nombreux. Comme dirait le Moose, ça fait du monde en ta…

Je veux leur rendre hommage aujourd’hui.

En fait, c’est un hommage à ma fille.

Mettre en quelque sorte un visage sur tous ces gens qui accompagnent un proche dans des moments difficiles.

Tous ces proches qui sont là eux aussi pour jouer à Serpents et échelle, version la vraie vie.

Une version cruelle qui a ses propres règles.

Le sommet, la fin du jeu, t’apparaît assez souvent très très loiiiiiin.

Parfois, tu t’en approches, mais le jeu te réserve de mauvaises surprises et tu recules de quelques cases, et parfois même de plusieurs cases.

Ce n’est jamais linéaire. C’est impossible que ce le soit. Cette version de Serpents et échelles est conçue comme ça.

Alors tu avances et tu recules. Tu montes et tu descends. Tu as l’impression parfois de tourner en rond. Ce sont les fucking petits pas.

Comme la pièce Le blues de la fucking dépression que j’ai composée il y a quelques mois…

 

À chaque coup de dés pour avancer, tu as mal. Parfois, ça fait plus mal, d’autres fois moins.

Et les personnes qui t’accompagnent dans cette épreuve montent et descendent avec toi.

Certains peuvent décider d’arrêter de jouer, parce que c’est vraiment difficile.

Tu vois ton proche aller de mieux en mieux, d’une case à l’autre. Puis, pouf… Un serpent qui fait reculer de plusieurs cases. Pour certains aidants, c’est juste trop…

Depuis bientôt six mois, ma fille est là chaque jour. Elle m’a vu pleurer, crier à me tenir la poitrine tellement j’avais mal.

Elle m’a vue presque chaque matin revenir de la marche avec le chien le visage baigné de larmes.

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Elle revenait parfois me retrouver dans mon garde-robe où je me cache en petite boule pour pleurer sans qu’elle le sache.

Pas une fois, elle n’a failli. Elle était là. Elle me prenait dans ses bras. Elle me disait qu’elle m’aimait. Elle me répétait que j’allais m’en sortir, mais que ça allait prendre du temps.

Je sais que parfois, elle trouve ça vraiment difficile. Et je ne lui en veux pas. C’est difficile.

Parfois, elle va dans sa chambre, mets ses écouteurs et colle notre gros chien. Je sais alors qu’elle a besoin d’une petite pause. Que je lui accorde volontiers, trop reconnaissant de tout ce qu’elle fait pour moi.

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Je sais de quoi je parle. J’ai accompagné deux fois une personne en dépression. C’est vraiment difficile.

Mais ça ne m’aide pas vraiment de savoir ça. Comme je sais à quel point c’est difficile, je sais très bien ce que ma fille vit.

D’autant plus qu’il y a un an, elle faisait la même chose pour sa mère.

Je sais que c’est une adulte. Elle a 25 ans. Je sais qu’elle est forte. Je sais que ces épreuves la font grandir. Mais je reste son père, même en dépression, et tabarnak, ce n’est pas ce que je souhaitais pour elle.

Mais ça ne marche pas comme ça. On ne décide pas ça

Il y a fort à parier que cette épreuve va tisser des liens encore plus forts entre elle et moi.

Elle est déjà une formidable jeune femme et je trouve qu’elle grandit à vue d’oeil dans cette épreuve. Et je suis drôlement fier. Et surtout, tellement reconnaissant.

Je sais qu’elle se sent souvent totalement impuissante face à moi, c’est aussi mon cas, face à elle.

Je sais qu’elle est parfois en colère, contre plein de choses et peut-être même, parfois, contre moi.

Je sais que ça l’a fait souffrir, mais je ne peux rien faire moi aussi.

Je peux juste m’accrocher et continuer la partie…

///

Je sais que le 30 janvier sera la journée Bell Cause pour la cause.

Mon souhait, c’est qu’on cause pour tous ceux qui accompagnent un proche dans la maladie mentale. Parce que je n’ose pas imaginer ce qui se passerait s’il n’étaient pas là…

Mon souhait, c’est qu’on en parle pas juste le 30 janvier.

Ma fille et moi seront encore là, le 30 janvier. Nous serons sûrement reconnaissants, mais nous jouerons encore à Serpents et échelles le 31 janvier, le 1er février et pendant plusieurs jours encore.

Ce sera notre message à nous. L’année compte 365 jours, il faudrait s’en rappeler.

Et se rappeler aussi les vrais visages de la santé mentale. Non, ce n’est pas un campagne léchée où tout le monde il a l’air beau, tout le monde il a l’air bien….

Ça contribuerait sûrement à briser un peu plus le tabou si on les montrait, ces vrais visages.

C’est pour ça que j’ai inséré une photo de moi qui revient de la marche matinale avec le chien. Pas pour attirer la pitié de quiconque, juste montrer c’est quoi le quotidien d’une dépression.

En espérant, un peu naïvement peut-être, que ça puisse en encourager d’autres à le faire.

Parce qu’on est rendus là… Nommer les affaires et montrer les affaires.

Ah oui, j’oubliais… Je t’aime gros comme mon coeur avec une peanut dessus, ma puce !

Publié par

ÉP Champagne

Humain de 51 ans. Né sous le nom d’Éric-Pierre Champagne, un 15 avril 1967. Parfaitement imparfait. Se pose beaucoup de questions et n’a pas toujours les réponses. Se demande justement où s’en va homo sapiens… Toujours dans le sens de l’évolution? Et quelle évolution? Comme la majorité des humains sur cette planète, ma vie est faite de hauts et de bas. Il y a eu quelques bas au cours des dernières années. J'ai fait plein de « fucking » petits pas pour m’en sortir. Écrire et composer de la musique sont les deux choses qui me font le plus grand bien dans ces moments difficiles. En plus de faire du jogging. Sauf que je ne peux pas courir plusieurs fois par jour. Écrire et faire de la musique, si. Je suis journaliste. Mais aussi plein d’autres choses. Père de deux adultes, propriétaire d’un gros toutou et d’un chat, amant de la nature, de la musique, du jardinage, des randonnées en montagne, des balades en vélo, de milk shake préparés exclusivement à la laiterie La Pinte et amoureux de la vie, quand elle ne me tombe pas dessus, comme le ciel chez les Gaulois. Je ne suis pas à une contradiction près, j’ai quelques bibittes dans ma tête et autres blessures de l’âme, comme la majorité des habitants de cette planète. Mais dont la grande majorité, justement, ne veut tout simplement pas l’avouer. Préoccupé par l’avenir de la planète, mais surtout de l’avenir d’homo sapiens et celui des relations humaines. Parce que c’est ce qu’on est, après tout, des animaux sociaux. Encore un brin naïf, malgré plusieurs poils de barbe blancs et quelques cheveux aussi. Toujours envie de changer le monde, mais j’ai appris à la dure que les sauveurs n’existent pas. On fait juste notre petite contribution, pis c’est ben correct comme ça. Dans un premier temps, vous allez retrouver sur Homo sapiens mes textes, plutôt personnels, et mes compositions musicales, qui ne passeront pas à CKOI. Et j’en suis fort aise. Plus tard, pourquoi pas, on y retrouvera aussi des histoires qui font du bien. Des histoires d’humanité. Des histoires de héros ordinaires. De chevalier Jedi qui restent du côté lumineux de la Force et qui font le bien à petite échelle. Pour se rappeler qu’homo sapiens existe encore et que son avenir n’est pas nécessairement celui qu’on voit venir. Parce qu’être naïf, du moins un peu, me semble qu’on a encore besoin de ça, non?

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