Je suis Björn Borg

Euh ? Björn Borg ?

Oui, Björn Borg.

Le Suédois, joueur de tennis dans les années 70 et 80 ? Le grand blond au revers à deux mains, qui a révolutionné son sport ?

Oui.

Lui et moi avec plus en commun que je ne l’imaginais moi-même, avant de voir le film Borg McEnroe, sorti en 2017.

Moi, le petit aux cheveux foncés et aux yeux bruns et lui, grand blond aux yeux bleus, partageons quelque chose qui cause de vraies souffrances derrière un masque d’impassibilité.

Ce quelque chose a forcé Borg a prendre sa retraite sportive en 1981, après avoir échoué à remporter le tournoi de Wimbledon pour une sixième fois d’affilée.

Ravagé par le stess et l’anxiété, IceBorg, comme on le surnommait, venait de craquer. Ce joueur, qui frappait la balle comme un métronome et qui gardait son sang-froid en tout temps, n’en pouvait plus de supporter l’énorme pression de son statut.

Non, je ne suis pas en train de dire que je suis une vedette du journalisme. Ce n’est pas moi ça, je vous rassure tout de suite. Je conserve une certaine lucidité, tout de même !

Et puis, à ce compte, je ne suis pas le seul à être Björn Borg. Nous sommes nombreux à l’être.

Et puis, si j’ai un « statut », ce n’est pas dans ma vie professionnelle qu’il se trouve.

Un peu dans ma vie syndicale, peut-être, mais surtout dans ma vie personnelle.

J’ai trop longtemps joué au sauveur, pis ça fini par me coûter cher.

Le stress des dernières années m’a conduit à l’hypervigilance. Comme un soldat qui revient du front et qui doit apprendre à gérer un choc post-traumatique.

Je sais, c’est énorme, ce que je suis en train de dire. Je ne suis pas allé à la guerre. Je n’ai pas vu les horreurs que des soldats ont pu voir pendant un conflit.

De toute façon, pas besoin d’aller à la guerre pour souffrir ensuite à son retour.

J’ai parlé souvent des mammouths que j’ai affrontés dans les dernières années.

Sauf qu’il ne faut pas parler au passé. Les mammouths sont toujours là.

Le problème de l’hypervigilance, c’est que le cerveau est maintenant persuadé qu’il fait face à un danger en permanence. Ma tête est donc convaincue que les mammouths sont là, toujours là.

Mon esprit est toujours en état de veille et analyse constamment mon environnement. Ce n’est plus de la saine vigilance, mais de l’hypervigilance.

Face au stress à répétition subi dans les dernières années, mon cerveau ne sait plus faire la différence entre le vrai danger et tous ceux que je peux imaginer. Car l’esprit humain est fort, très fort, pour nous jouer de vilains tours.

Mon cerveau ne sait plus faire la différence entre le vrai danger et tous les petits inconvénients que la vie peut apporter au quotidien.

Un exemple?

J’écoute presque constamment de la musique depuis trois mois, mon casque d’écoute sans fil sur la tête. C’est comme une façon de créer une bulle artificielle où je tente de me protéger du vrai monde dans lequel je vis.

Toute la musique que j’écoute se trouve sur mon téléphone cellulaire.

J’ai désactivé les alertes quand un texto rentre, un message courriel ou sur Messenger. Sauf que mon téléphone émet quand même un léger clic quand un message rentre.

Chaque fois, je sursaute et mon coeur fait trois tours. Si la douleur à la poitrine n’y était pas, elle vient de revenir assurément. C’est con comme ça.

Et dire que je suis sourd d’une oreille, une chance !

Un autre exemple ?

Jeudi, le lendemain de ma sortie de l’hôpital, je fais un peu de ménage dans mon garage où c’est le vrai bordel après mon déménagement.

J’ai un paquet de trucs à aller porter à l’écocentre. Je remplis ma voiture et je fais mon devoir de citoyen pour protéger l’environnement, plutôt que de tout mettre au chemin, pour les poubelles, comme plusieurs font encore.

À mon retour, je roule sur la rue Saint-Charles en bordure de la route 132. Une ambulance passe sur la 132,  je ne la vois pas, mais je l’entends. Dans la seconde qui suit, mon corps se crispe, mes mains serrent le volant encore plus fort et mon coeur ne fait pas seulement trois tours, il explose.

La douleur à la poitrine revient comme un éclair. Et je pars à pleurer.

C’est con comme ça.

Et c’est pas cool, vraiment pas cool.

///

Je vais devoir faire comme Björn Borg et jouer un point à la fois.

Je vais devoir prendre ma peur, mon anxiété, mon hypervigilance et lui montrer autre chose.

Je vais devoir l’entraîner à nouveau à faire la différence entre le vrai danger et les supposés dangers que mon esprit perçoit comme de véritables mammouths.

Comme la finale de Wimbledon en 1980 entre Borg et McEnroe, ça va être toute une bataille !

Je vais devoir puiser au plus profond de moi pour me déjouer moi-même.

Je vais devoir bouger comme jamais je n’ai bougé dans ma vie. Courir, nager, rouler, lever, marcher. Suer, suer en ta…

Donner un coup de pouce à mon corps pour qu’il sécrète le maximum d’endorphines qui vont aller au cerveau. Des endorphines qui seront mes petits soldats qui vont aller au front.

Le genre de combat que tu mènes une fois dans ta vie. Et qui change ta vie.

Pour la première fois, je vais me battre pour moi. Ça l’air nono, mais c’est vrai pareil.

J’étais de toutes les batailles, mais toujours pour les autres.

Il y aura sûrement un long bris d’égalité, mais je vais le remporter.

Parce que j’aime la vie. Pis qu’il y a plein de belles affaires à vivre encore.

Et je suis un fucking warrior. Un battant qui s’est toujours battu. Ça ne va pas arrêter à 51 ans.

C’est poche, je dois citer Pierre Elliott Trudeau, mais just watch me

p.s. : la piste cyclable le long du fleuve à Longueuil est magnifique pour aller jogger. Et je peux amener toutou qui y court tout son saoul et revient toute sale, comme un chien heureux. C’est un proverbe qui est de moi ça, « un chien sale est un chien heureux ! » Je vais aller me salir moi aussi…

Publié par

ÉP Champagne

Humain de 51 ans. Né sous le nom d’Éric-Pierre Champagne, un 15 avril 1967. Parfaitement imparfait. Se pose beaucoup de questions et n’a pas toujours les réponses. Se demande justement où s’en va homo sapiens… Toujours dans le sens de l’évolution? Et quelle évolution? Comme la majorité des humains sur cette planète, ma vie est faite de hauts et de bas. Il y a eu quelques bas au cours des dernières années. J'ai fait plein de « fucking » petits pas pour m’en sortir. Écrire et composer de la musique sont les deux choses qui me font le plus grand bien dans ces moments difficiles. En plus de faire du jogging. Sauf que je ne peux pas courir plusieurs fois par jour. Écrire et faire de la musique, si. Je suis journaliste. Mais aussi plein d’autres choses. Père de deux adultes, propriétaire d’un gros toutou et d’un chat, amant de la nature, de la musique, du jardinage, des randonnées en montagne, des balades en vélo, de milk shake préparés exclusivement à la laiterie La Pinte et amoureux de la vie, quand elle ne me tombe pas dessus, comme le ciel chez les Gaulois. Je ne suis pas à une contradiction près, j’ai quelques bibittes dans ma tête et autres blessures de l’âme, comme la majorité des habitants de cette planète. Mais dont la grande majorité, justement, ne veut tout simplement pas l’avouer. Préoccupé par l’avenir de la planète, mais surtout de l’avenir d’homo sapiens et celui des relations humaines. Parce que c’est ce qu’on est, après tout, des animaux sociaux. Encore un brin naïf, malgré plusieurs poils de barbe blancs et quelques cheveux aussi. Toujours envie de changer le monde, mais j’ai appris à la dure que les sauveurs n’existent pas. On fait juste notre petite contribution, pis c’est ben correct comme ça. Dans un premier temps, vous allez retrouver sur Homo sapiens mes textes, plutôt personnels, et mes compositions musicales, qui ne passeront pas à CKOI. Et j’en suis fort aise. Plus tard, pourquoi pas, on y retrouvera aussi des histoires qui font du bien. Des histoires d’humanité. Des histoires de héros ordinaires. De chevalier Jedi qui restent du côté lumineux de la Force et qui font le bien à petite échelle. Pour se rappeler qu’homo sapiens existe encore et que son avenir n’est pas nécessairement celui qu’on voit venir. Parce qu’être naïf, du moins un peu, me semble qu’on a encore besoin de ça, non?

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