J’écris ce billet du fond du corridor de la clinique externe de l’hôpital Charles-LeMoyne.
C’était mon endroit de prédilection pour aller faire une sieste quand je travaillais comme préposé aux bénéficiaires, début vingtaine.
Cette fois-ci, je suis allé m’y cacher pour pleurer un bon coup. Des crises de larmes, qui selon ma fille, ressemblent aux cris d’un cochon dont on est en train de couper les couilles…
Mes couilles à moi sont intactes, je vous rassure tout de suite.
Depuis hier, autant j’ai rencontré des gens formidables et dévoués, autant j’ai goûté aux aléas d’un système quelque fois déshumanisé.
Car le système de santé, c’est vraiment un système.
Il y a évidemment les mots « système » et « santé », mais le premier occupe une place prépondérante.
Ça n’enlève rien à la qualité du personnel. En général, les gens sont gentils, courtois, professionnels et attentionnés. Mais pas toujours aussi. Heureusement, ça c’est l’exception.
Mais le système, lui, est une vraie bête, un monstre. Comme s’il avait son existence propre. Un peu comme Skynet dans Terminator.
Hier, on me transfère de l’hôpital Pierre-Boucher vers Charles-LeMoyne. Paraît-il que c’est l’hôpital de mon secteur. Pour moi, c’est un peu comme passer Go et retourner à la case départ.
J’ai déjà été évalué par un urgentologue et un psychiatre.
Je frôle le zéro dangerosité.
C’est du côté de la souffrance, des crises d’angoisse et de larmes où je score le plus.
C’est d’ailleurs ce que l’urgentologe de Pierre-Boucher a constaté en prenant seulement quelques minutes pour me parler.
On me transfère donc à Charles-LeMoyne. C’était mon deuxième voyage à vie en ambulance. La première fois, j’avais perdu deux dents, je m’étais cassé le coude gauche et je m’étais tapé une commotion cérébrale en me faisant frapper par une voiture alors que je courrais mon 5 km.
Arrivé à Charles-LeMoyne, on m’amène à l’aile Z, plus particulièrement dans une salle qui ressemble à un immense bocal.
On ne me dit rien. On m’enlève toutes mes affaires. Mon casque d’écoute, mon iPad, mon cellulaire, mes livres.
On m’installe sur une civière et je me trouve devant une immense fenêtre où le personnel nous observe comme des rats de laboratoire.
Je ne sais pas ce que je fais là ni combien ds temps je vais y être.
Je demande à une dame (une infirmière ? une préposée ?) qui se trouve de l’autre côté de la fenêtre d’observation si je vais voir un psychiatre.
Elle me répond que oui, mais que ça peut prendre un certain temps. Elle ajoute même que certains patients sont là depuis deux jours et n’ont toujours pas vu de psychiatre…
Mon angoisse déjà plutôt élevée passe au niveau supérieur.
Je demande à mon infirmier si je peux avoir mon médicament pour calmer mon anxiété qui est en train de devenir incontrôlable et qui prend toute la place.
L’infirmier me répond que ce n’est pas possible, que je dois d’abord voir le psychiatre.
Je vous rappelle que ça peut prendre encore plusieurs heures avant que je ne voie un paychiatre.
Je réponds à l’infirmier que j’ai un prescription dans mon dossier, signée par une urgentologue de Pierre-Boucher.
» Ça vient de Pierre-Boucher, ça ne compte pas ici « , précise-t-il.
L’angoisse vient de dépasser la planète Mars et se dirige vers Jupiter.
C’est l’intervention de mon ex, qui est arrivée, qui change la donne.
L’infirmier accepte de faire venir un médecin de l’urgence pour voir s’il peut faire quelque chose.
Ça pris moins de 5 minutes au médecin pour comprendre que je n’avais pas d’affaire là.
Primo, il a lu mon dossier.
Secundo, il est venu me poser quelques questions.
C’était terminé, on me sortait de l’aquarium.
Si l’infirmier avait pris le temps de lire mon dossier dès le départ… Non, il n’a même pas lu mon fucking dossier…
Il était trop occupé à jaser avec sa collègue.
Un peu gêné, il s’est même excusé quand je suis sorti du « bocal ».
Sauf que je venais quand même de me taper une solide crise à cause de sa paresse ou de son incompétence, je ne sais trop.
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Ce matin, manège un peu semblable.
J’ai passé une bonne nuit, assommé par une dose de cheval et je me suis endormi avec mon casque d’écoute sur les oreilles au son d’une musique de relaxation.
Avant de quitter pour l’hôpital, j’ai téléchargé quelques films de Netflix sur mon iPad.
Vers 11h, je m’installe confortablement (sic) sur ma civière pour regarder un film.
Ça ne fait pas 5 minutes que le film est commencé qu’on vient me chercher pour me transférer à nouveau.
Cette fois-ci, on m’envoie à l’aile E, la bien nommée « Débordement ».
C’est là qu’on nous envoie en attendant d’être hospitalisé et, surtout, d’être pris en charge par un psychiatre.
Ça ressemble un peu au purgatoire.
Tout de suite arrivé, le préposé me confisque tout. Casque d’écoute, iPad, cellulaire, la totale.
Pas de ça ici, dit-il.
J’explique que le département d’où j’arrive, j’y avais droit. Que ça avait été autorisé par le médecin. Ni l’infirmière ni le préposé ne veulent rien entendre.
Je vais à la salle de bain et qu’est-ce que j’aperçois en revenant à ma civière ? Le préposé en train de naviguer sur son cellulaire. Je m’emporte un peu…
Un psychiatre qui venait d’arriver et qui parlait à une patiente a entendu la conversation.
Je l’entends poser des questions à l’infirmière à mon sujet.
Il vient me poser quelques questions puis il consulte mon dossier.
Ça pris 5 minutes qu’il donnait la consigne au personnel de me redonner mes choses.
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Quelques morales à toute cette histoire.
Ça serait une bonne idée de lire le dossier d’un patient qui vient d’arriver, pour savoir à qui on a affaire.
Mais la morale la plus importante, c’est celle-ci…
Faut vouloir s’en sortir en criss pour se taper tout ce manège…
Car il arrive que les médecins de famille ne soient plus en mesure de t’aider et que l’expertise d’un spécialiste soit nécessaire.
Sauf qu’au Québec, il existe deux façons de voir un psychiatre. Ton médecin te réfère pour une consultation et ça peut prendre des mois avant d’avoir droit à un premier rendez-vous.
Ou tu te pointes à l’urgence et tu te croises les doigts en sachant que les doigts, tu viens de les mettre dans le cadre de porte de la maison des fous.
Faut vouloir en criss s’en sortir pour endurer tout ça. Et encore, même en dépression, je suis capable de poser quelques questions et d’être un peu baveux s’il le faut. J’ai suffisamment interrogé de fonctionnaires des ministères fédéral et provincial de l’environnement pour reconnaître la bullshit à des kilomètres.
Sauf que ça draine de l’énergie, et mes réserves commencent à être à sec.
Me taper tout ça juste pour voir un psychiatre, ça frise le ridicule.
Me semble que ça mérite réflexion…
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