De dépression et de rédemption

Chaque fois que je commence un billet, je me pose toujours la même question.

Est-ce que c’est vraiment pertinent ?

Voilà un réflexe de journaliste, me direz-vous…

Je ne sais pas si c’est pertinent. Ce n’est pas le premier objectif, d’ailleurs.

J’écris parce que ça me fait du bien. Écrire me soulage. Et le publier me libère.

Parce que je réalise que j’ai des choses à dire. Une histoire à raconter. La mienne.

Parce que j’en ai marre des secrets. Des secrets de famille, dont ceux que je porte depuis un bon bout de temps.

C’est lourd à porter, des secrets. Pis ça te gruge de l’intérieur. Lentement, mais sûrement.

Ils sont plutôt rares ceux qui connaissent mon histoire, toute mon histoire. Moins d’une dizaine de personnes en tout.

Tous ou à peu près m’ont dit un jour ou l’autre qu’il fallait que je la raconte.

Je ne dis pas ça pour m’en vanter, au contraire. J’aimerais tellement mieux ne pas avoir d’histoire à raconter, du moins pas la mienne.

Parce que c’est une histoire triste. Dans laquelle il n’y a que des victimes. Aucun vrai bourreau. Et beaucoup de souffrance. Et je ne parle pas que de moi.

Mon cas n’est pas unique. Ça je le sais. Il y a plein d’histoires tristes du genre.

Et je ne fais pas pitié. Il y a des gens encore plus maganés que moi à cause de leur histoire triste. J’en suis pleinement conscient.

Je ne sais donc pas si je vais toute la raconter un jour. Peut-être bien. Peut-être que ça se fera à coup « de petits bouts », comme je m’apprête à le faire.

///

J’ai composé cette pièce musicale en 2012. Quelque mois avant que je ne reprenne officiellement mon nom à la naissance, soit celui de Champagne.

 

Je l’ai intitulée Rédemption. Il était évidemment question de moi, de ma rédemption.

J’aimerais l’enregistrer à nouveau prochainement. L’enregistrement est loin d’être parfait. Et on entend quelqu’un en train de laver des vitres sur l’enregistrement. En même temps, ça procure un aspect plus authentique, j’imagine.

J’étais en plein tourment à savoir si j’allais ou non reprendre mon nom.

Ce n’était pas une décision facile.

Je venais de réaliser qu’une partie de mon histoire en tant que Gibeault était construite sur un mensonge. Je venais de revoir mon père et il n’était pas Darth Vader.

Il n’était pas un saint non plus. Juste un homme ordinaire qui vivait une vie ordinaire.

Je savais que ma décision, si j’allais de l’avant, allait provoquer toute une tempête.

C’est la musique qui a fait pencher la balance. J’avais recommencé à jouer de la guitare quelques années plus tôt et j’avais découvert un univers dans lequel je me sentais totalement à ma place.

Et j’ai découvert que j’aimais composer de la musique.

Je vous l’ai dit, mon père était musicien. Il jouait à peu près de tous les instruments.

Et ma grand-mère paternelle jouait du piano.

C’est là que j’ai décidé que j’étais né Champagne et que j’allais mourir Champagne.

Mais il y avait cette tempête que je pressentais.

Le 24 novembre 2012, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai écrit à ma mère et à ma soeur pour les informer de ma décision de reprendre mon nom.

J’ai expliqué ma décision avec tout l’amour et la tendresse que j’ai pour ma mère et ma soeur. En leur disant que ce n’était pas une décision contre personne, mais une décision pour moi. J’écrivais notamment…

Ce n’est pas une décision facile à 45 ans, surtout que cela implique beaucoup de choses, la paperasse, les explications aux amis, aux collègues, aux patrons, etc. Au début de ma réflexion, il y a quelques mois, ces obstacles étaient un véritable frein, mais au fur et mesure que je progressais à la guitare, l’évidence s’imposait et les obstacles devenaient de moins en moins insurmontables:  je suis Éric-Pierre Champagne.

Puis, la tempête a frappé.

Et je réalise aujourd’hui qu’une partie de ma dépression a commencé ce jour-là.

Je venais de croiser l’un des nombreux mammouths qui sont apparus dans ma vie au cours des six dernières années.

J’ai reçu une réponse d’une violence inouïe. Avec des mots qui tuent. Dix mots au total, qui vont rester en moi jusqu’à la fin de mes jours.

Je me rappelle être allé courir tout de suite après. Il n’y avait que la douleur physique qui pouvait m’aider à combattre la douleur de l’âme qui m’assaillait.

J’ai couru si vite et si fort. Mais ça n’a pas suffit.

Mais je n’ai pas craqué, étonnamment. Un instinct de survie, probablement.

J’ai refoulé. Et j’ai continué d’avancer.

///

J’imagine qu’il y a toutes sortes de raisons pour tomber en dépression. Dans mon cas, il y a trois thèmes : le mensonge, la trahison et le fait d’avoir été renié par un homme dont j’avais pris officiellement le nom, croyant que le nom Champagne était celui d’une famille de puissants seigneurs Sith, les maîtres du côté obscur de la Force. Ce sont ces trois thèmes qui ont marqué ma vie ces dernières années. Et qui m’ont rattrapé.

Je n’ai aucun regret d’avoir repris mon nom. C’est l’une des meilleures décisions de ma vie.

Je me rappelle que j’avais fait envoyer un courriel à toute la salle de rédaction de La Presse pour expliquer ce drôle de changement. Un message assez court. Pas question de tomber dans le pathos. C’était un vendredi, au printemps 2013.

Le lundi, en rentrant au bureau, j’étais un peu anxieux. Je me demandais comment j’allais me comporter lorsque le téléphone allait sonner pour la première fois de la journée. D’habitude, on répond en se nommant.

Est-ce que j’allais hésiter ? Me tromper ? Bafouiller ?

Le téléphone a sonné. Et comme si j’avais fait ça toute ma vie, j’ai répondu : « Éric-Pierre Champagne… »

Il n’y avait aucun malaise. C’était tout naturel. D’un naturel désarmant, qui m’a surpris. Mais j’ai compris que j’avais pris la bonne décision.

Le prix à payer a été élevé. Et ces blessures, qui seront toujours là, se sont un peu rouvertes.

Ma dépression sert à ça. Il y a eu d’autres souffrances, mais c’est l’une de celles qui m’assaillent présentement.

Je suis donc en train de faire une grosse vidange à coup de crises de larmes, de cris à perdre la voix et de douleur à la poitrine. De billets et de musique, aussi.

Mais une chose est sûre, malgré la douleur, je n’ai aucun regret. Parce qu’Éric-Pierre Champagne, c’est moi.

p.s.: Une photo de mon fils et moi alors qu’il avait 4 ans.

Publié par

ÉP Champagne

Humain de 51 ans. Né sous le nom d’Éric-Pierre Champagne, un 15 avril 1967. Parfaitement imparfait. Se pose beaucoup de questions et n’a pas toujours les réponses. Se demande justement où s’en va homo sapiens… Toujours dans le sens de l’évolution? Et quelle évolution? Comme la majorité des humains sur cette planète, ma vie est faite de hauts et de bas. Il y a eu quelques bas au cours des dernières années. J'ai fait plein de « fucking » petits pas pour m’en sortir. Écrire et composer de la musique sont les deux choses qui me font le plus grand bien dans ces moments difficiles. En plus de faire du jogging. Sauf que je ne peux pas courir plusieurs fois par jour. Écrire et faire de la musique, si. Je suis journaliste. Mais aussi plein d’autres choses. Père de deux adultes, propriétaire d’un gros toutou et d’un chat, amant de la nature, de la musique, du jardinage, des randonnées en montagne, des balades en vélo, de milk shake préparés exclusivement à la laiterie La Pinte et amoureux de la vie, quand elle ne me tombe pas dessus, comme le ciel chez les Gaulois. Je ne suis pas à une contradiction près, j’ai quelques bibittes dans ma tête et autres blessures de l’âme, comme la majorité des habitants de cette planète. Mais dont la grande majorité, justement, ne veut tout simplement pas l’avouer. Préoccupé par l’avenir de la planète, mais surtout de l’avenir d’homo sapiens et celui des relations humaines. Parce que c’est ce qu’on est, après tout, des animaux sociaux. Encore un brin naïf, malgré plusieurs poils de barbe blancs et quelques cheveux aussi. Toujours envie de changer le monde, mais j’ai appris à la dure que les sauveurs n’existent pas. On fait juste notre petite contribution, pis c’est ben correct comme ça. Dans un premier temps, vous allez retrouver sur Homo sapiens mes textes, plutôt personnels, et mes compositions musicales, qui ne passeront pas à CKOI. Et j’en suis fort aise. Plus tard, pourquoi pas, on y retrouvera aussi des histoires qui font du bien. Des histoires d’humanité. Des histoires de héros ordinaires. De chevalier Jedi qui restent du côté lumineux de la Force et qui font le bien à petite échelle. Pour se rappeler qu’homo sapiens existe encore et que son avenir n’est pas nécessairement celui qu’on voit venir. Parce qu’être naïf, du moins un peu, me semble qu’on a encore besoin de ça, non?

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