Je me suis senti interpellé par toi, Patrick, ce matin.
Est-ce que je suis en tabarnak ?
Mets-en que je suis en tabarnak !
Mais j’ai aussi dépassé le stade du tabarnak.
Et j’hais ça parfois avoir raison.
C’est ce que j’écrivais le 13 avril.
Je suis en arrêt de travail depuis septembre pour cause de dépression et j’écris là-dessus, sur ce blogue, depuis octobre.
Si tu fais le tour de mon blogue, tu vas trouver plein de billets où je ne parle que de ça.
Surtout de l’immense tabou qui persiste encore.
C’est comme une enquête d’Hugo Meunier, cher Patrick. Sauf que je ne me suis pas infiltré chez Wal-Mart, mais je me suis invité dans le monde de la dépression.
La vivre de l’intérieur pour pouvoir mieux la raconter. Ce n’était pas une affectation, évidemment. Je ne suis pas maso à ce point. J’imagine la tête de Martin Pelchat alors que je lui proposerais mon idée d’enquête sur la dépression vue de l’intérieur 😉
Mais qu’est-ce que je raconte justement ?
D’abord que ça fait mal en criss. Une douleur que je ne croyais pas possible. Une douleur qui fait en sorte que, oui, parfois, tu veux mourir pour arrêter de souffrir.
Je ne m’étendrais pas là-dessus. L’objectif n’est pas de parler de moi aujourd’hui. Je pense néanmoins que ça me donne une certaine crédibilité pour parler de tout ça.
C’est plate à dire, Patrick, mais si la santé mentale n’est pas une priorité pour nos gouvernements, c’est parce que ce n’est pas une priorité pour les gens.
Il y a le fameux tabou encore très fort.
Je pourrais te parler longtemps du tabou. Je l’ai vu. Je l’ai vécu. Je l’ai entendu.
Ce qui est absurde, c’est qu’on vit dans une société où l’individu est roi.
Et pourtant, jamais nous n’avons pris si peu soin des individus. Du moins pour la partie la plus importante d’homo sapiens : c’est-à-dire notre tête.
J’ai écrit là-dessus.
On n’a jamais si peu pris soin des individus.
Ce billet s’inspire d’un lumineux texte publié dans le New York Times.
Nous vivons dans la dictature du bonheur. Dans un monde où il n’y a pas de place pour la souffrance. Parce que ça dérange. Il y a encore trop de gens qui détournent le regard face à la souffrance. Surtout celle entourant la santé mentale.
On s’indigne un peu, beaucoup. On écrit au chroniqueur pour lui dire combien nous sommes choqués. Et on retourne laver notre nouvelle Mazda qui nous promet le bonheur au volant.
Il faut que le système change, évidemment.
Il y a des aberrations qu’on ne peut plus tolérer.
Mais changer le système ne sera pas suffisant.
Sais-tu Patrick qu’il y a plus de morts au Québec par suicide que lors d’accidents de la route ?
Il y a 950 suicides par année contre 600 décès sur nos routes.
J’aimerais ça voir des publicités aussi percutantes pour la santé mentale que celles de la SAAQ. On nous montre carrément les conséquences de la distraction au volant, par exemple.
Voir une pub où une mère lit en pleurant la lettre de son fils qui vient de se suicider, par exemple. Ouch.
Mais c’est ça la fucking réalité.
S’ils ont besoin d’aide, j’ai plein d’idées.
C’est ben écoeurant quand on le lit dans le journal. Mais on lit tellement d’affaires dans le journal.
Je suis d’accord avec toi, il va falloir que les gens ne soient pas juste choqués. ll faut qu’ils soient en tabarnak.
Qu’est-ce que ça prend pour qu’ils soient en tabarnak ? Tout un défi, ça !
J’ai ma petite idée. Faut continuer de leur raconter ce qu’ils ne veulent pas vraiment lire, entendre ou voir.
Tsé, l’an prochain, la dépression sera la deuxième cause d’invalidité dans le monde.
Tsé , les troubles anxieux conduisent de plus en plus de jeunes à l’hôpital.
Mais faut pas juste leur donner le portrait, faut montrer la souffrance. Comme Caroline et Katia l’on fait dans leur excellent dossier. Ça en prend d’autres.
On vit dans une société malade. Tu trouves que j’exagère ?
Pourtant, tous les indicateurs sont au rouge. Il y a tout plein d’experts qui le disent.
Mais par où commencer ?
J’ai une amie qui m’a écrit ce matin, après avoir lu ta chronique. Elle suggère d’organiser une grande marche pour la santé mentale. Pas fou, comme idée.
J’espère que plein de gens vont s’y joindre. Ça serait le premier signe qu’il y a de l’espoir.
Que l’indifférence souvent généralisée fait place à la colère. Que des gens commencent enfin, eux aussi, à être tabarnak. Et qu’ils ont envie de le dire haut et fort.
Bref, qu’homo sapiens existe encore.
p.s. : même les résidences pour personnes âgées vendent le bonheur…. une vulgaire marchandise, comme le spa, le gym ou la cuisine gastronomique…
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