Le (fucking) tabou autour de la dépression

Désolé, ce sera un billet plutôt vitriolique.

Parce que je suis rendu là. Parce que c’est nécessaire.

J’ai parlé dans ma lettre publiée dans La Presse du tabou autour de la dépression, du malaise qu’elle provoquait chez des amis et des proches.

Sauf que ce n’est pas juste un concept théorique. Ça de véritables conséquences sur la vie des gens.

Pourquoi ce tabou, ce malaise ? Ma théorie à 5 cennes : c’est comme si on se retrouvait devant un miroir. La souffrance de l’autre, ça peut être aussi notre propre souffrance. Ou du moins, une partie de notre souffrance.

C’est l’fun se regarder dans le miroir quand il nous renvoie une belle image de soi. Ça l’est moins si l’image qu’il nous renvoie révèle des parties plus sombres de nous-mêmes. Ou des affaires qu’on veut ignorer, qu’on préfère garder enfouies parce qu’on pense que ça va faire moins mal comme ça.

J’ai reçu plusieurs témoignages de gens qui ont subi ce tabou, ce malaise. Parfois, ils se retrouvaient complètement ostracisés par leurs amis et leurs familles. Je ne dis pas que c’est toujours le cas, mais ça arrive encore, plus souvent qu’on le pense.

Les conséquences sont terribles. Quand tu souffres, il n’y a personne qui puisse partager ta douleur. Mais au moins, si tu peux compter sur tes proches entre tes moments de douleur, ben criss, ça fait du bien. Tu te sens un peu moins seul et ça te donne du courage pour la prochaine fois où tu auras mal.

Parce que ça arrive souvent, avoir mal, en dépression.

Depuis peu, y a quelque amis qui m’ont avoué être complètement mal à l’aise face à la dépression, même face à la mienne. Ils ne savent carrément pas quoi faire. Ils sont mal à l’aise. Ne savent pas quoi faire ni quoi dire. Ça les dérange.

Pourtant, chacun de ces amis m’a dit, en gros :

Man, je suis mal à l’aise, je ne sais pas trop quoi faire, mais je suis là. T’as qu’à me le dire, pis je vais débarquer chez toi. Je ne saurai pas plus quoi faire ni quoi dire, mais je sais que tu souffres, pis t’es mon ami. S’il le faut, je serai juste là pour te regarder brailler, même si cela me mets mal à l’aise.

Le problème n’est donc pas que le malaise. En tout cas, y a des amis qui m’ont fait la preuve que ça se pouvait, passer par-dessus son malaise.

///

J’en ai parlé brièvement, sans entrer dans les détails, de ce qui m’est arrivé l’an dernier.

En gros, le tabou et le malaise face à la dépression étaient jusque là un concept théorique pour moi. C’est devenu une réalité bien concrète.

J’en parle aujourd’hui, parce qu’il faut que ça sorte de mon système. Et aussi, parce que je sais que ce n’est pas une exception, au contraire.

Ça risque de déplaire à certaines personnes, mais encore là, je suis maintenant rendu ailleurs. Faut bien qu’elle serve à quelque chose, cette dépression. Déjà, j’en tire quelques leçons. J’étais déjà allergique à la bullshit. Je vous annonce que je vais être encore plus allergique à la bullshit dorénavant.

Je suis peut-être naïf, mais même à 51 ans, je crois encore qu’on peut rendre le monde un peu meilleur.

Du moins, c’est ce que j’essaie de faire à mon échelle à moi.

Donc, le tabou, le malaise.

Il y a presque deux ans, j’ai vécu une séparation difficile. C’est la vie, ça arrive. Fin de l’histoire.

L’an dernier, début septembre, mon ex perd son emploi. Tombe en dépression.

On a passé 25 ans ensemble. Forcément, je la connais un peu. C’est aussi la mère de mes deux enfants.

Je ne vais pas raconter tous les détails, entre autres par respect pour mon ex, qui n’a pas à subir ça.

Toujours est-il que mon intention n’était pas de l’héberger chez moi. C’était au-dessus de mes forces, je le savais. Je cherchais donc des solutions.

Je l’ai écrit, sa famille et la dépression, ce ne sont pas de grands amis. Le tabou est bien là, le malaise itou. Un gros malaise.

La réalité, simple, bête et cruelle, c’est qu’on m’a laissé seul m’occuper d’elle. Pire, on ne s’est jamais vraiment intéressé à ce qui nous arrivait pendant ces huit fucking mois.

C’est sûr que c’est pas l’fun accompagner quelqu’un en dépression. Ce n’est pas une partie de plaisir. Surtout si la personne a aussi des idées noires.

Pendant huit mois, mes enfants et moi avons donc été laissés complètement seuls sans aide de la famille de mon ex. On en a bavé. On a eu peur. On a passé des moments difficiles. On s’est soutenus.

On est passés au-travers, mais un peu maganés au terme de tout ça.

Pour moi, ça été un cauchemar. Mais je ne me suis pas posé de questions pendant tout ce temps-là.

Je pilotais mon petit radeau en plein milieu d’une tempête avec comme seul espoir d’amener mon équipage à bon port.

On y est arrivés. Mais dans mon cas, le prix a été élevé. Le stress cumulé au cours de cette période a fini par avoir raison de moi.

Je ne dis pas que c’est la seule raison de ma dépression, mais disons que ça été la tempête de trop dans ma vie.

///

Vous allez vous demander pourquoi j’en parle ?

Justement pour illustrer que le tabou, le malaise, ce n’est pas qu’un concept théorique.

Ça parfois des conséquences très concrètes, je le répète.

Pourtant, y a des gens dans mon entourage qui mettent de côté leur malaise pour essayer de me soutenir. Je trouve ça très émouvant et absolument formidable. Certains d’entre eux ne sont pas des amis si intimes.

Ce que je veux dire, dans le fond, c’est que le malaise, c’est juste une excuse.

C’est possible de passer par-dessus, de faire un effort, d’avouer son malaise et juste dire : Je n’ai aucune idée de ce que je dois dire ou ce que je dois faire, mais je suis là. Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

J’aurais tellement aimé qu’on me dise ça l’an dernier.

 

 

 

Publié par

ÉP Champagne

Humain de 51 ans. Né sous le nom d’Éric-Pierre Champagne, un 15 avril 1967. Parfaitement imparfait. Se pose beaucoup de questions et n’a pas toujours les réponses. Se demande justement où s’en va homo sapiens… Toujours dans le sens de l’évolution? Et quelle évolution? Comme la majorité des humains sur cette planète, ma vie est faite de hauts et de bas. Il y a eu quelques bas au cours des dernières années. J'ai fait plein de « fucking » petits pas pour m’en sortir. Écrire et composer de la musique sont les deux choses qui me font le plus grand bien dans ces moments difficiles. En plus de faire du jogging. Sauf que je ne peux pas courir plusieurs fois par jour. Écrire et faire de la musique, si. Je suis journaliste. Mais aussi plein d’autres choses. Père de deux adultes, propriétaire d’un gros toutou et d’un chat, amant de la nature, de la musique, du jardinage, des randonnées en montagne, des balades en vélo, de milk shake préparés exclusivement à la laiterie La Pinte et amoureux de la vie, quand elle ne me tombe pas dessus, comme le ciel chez les Gaulois. Je ne suis pas à une contradiction près, j’ai quelques bibittes dans ma tête et autres blessures de l’âme, comme la majorité des habitants de cette planète. Mais dont la grande majorité, justement, ne veut tout simplement pas l’avouer. Préoccupé par l’avenir de la planète, mais surtout de l’avenir d’homo sapiens et celui des relations humaines. Parce que c’est ce qu’on est, après tout, des animaux sociaux. Encore un brin naïf, malgré plusieurs poils de barbe blancs et quelques cheveux aussi. Toujours envie de changer le monde, mais j’ai appris à la dure que les sauveurs n’existent pas. On fait juste notre petite contribution, pis c’est ben correct comme ça. Dans un premier temps, vous allez retrouver sur Homo sapiens mes textes, plutôt personnels, et mes compositions musicales, qui ne passeront pas à CKOI. Et j’en suis fort aise. Plus tard, pourquoi pas, on y retrouvera aussi des histoires qui font du bien. Des histoires d’humanité. Des histoires de héros ordinaires. De chevalier Jedi qui restent du côté lumineux de la Force et qui font le bien à petite échelle. Pour se rappeler qu’homo sapiens existe encore et que son avenir n’est pas nécessairement celui qu’on voit venir. Parce qu’être naïf, du moins un peu, me semble qu’on a encore besoin de ça, non?

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